Je constate régulièrement que les recettes de la cuisine régionale donnent lieu à des discussions interminables, chacun étant persuadé de posséder la recette originale.
Il en est des recettes comme des hommes : elles vieillissent, se transforment, s’adaptent aux changements des goûts, aux améliorations du matériel et des denrées.
J’ai choisi de vous parler d’une recette bien de chez nous.
Les difficultés commencent dès que l’on veut écrire son nom :
– baeckoffa,
– baeckaoffa,
– baeckeoffa,
– bækofa,
L’explication est simple. Notre dialecte alsacien est surtout utilisé pour la communication orale. Celle-ci varie du Sud au Nord, de village en village. Difficile dans ce cas de définir une orthographe.
« Baeckaoffa » est constitué par la fusion de deux mots :
« Baeck » : désigne le boulanger.
« Offa » : désigne son four.
Le mot entier « Baeckaoffa » signifie donc le four du boulanger.
C’est une potée de viandes et de légumes, comme on en trouve dans toutes les régions.
Son originalité réside dans le fait que l’on portait la potée au boulanger afin qu’il la cuise dans le four encore chaud, après la cuisson du pain.
Gardons les pieds sur terre et surtout une bonne dose d’humour.
Je considère que l’Alsace natale est certes la région de mon cœur, et même si certains considèrent qu’elle est le véritable cœur de l’Europe, elle n’est finalement pas si étendue géographiquement.
On retiendra que sa richesse lui a valu d’être l’objet de bien de convoitises qui se sont soldées par des guerres et des atrocités qui, je n’en doute pas un instant, sont la gloire du genre humain.
Parlons un peu de l’Alsace :
Pour simplifier, je dirais que l’Alsace est un couloir entre les Vosges d’un côté, et la Forêt-Noire de l’autre.
Au milieu, une plaine dans laquelle coule le Rhin.
Ces deux massifs montagneux sont les restes d’un très vieux massif érodé par le temps.
Les côtés des montagnes aux sommets arrondis, appelées Ballons ou « Belchen » en allemand, on trouve un piémont propice à la culture de la vigne.
Vers le sommet du piémont, les vignes font place à la forêt essentiellement de châtaigniers qui croissent rapidement et fournissent ou fournissaient les poteaux pour les vignes.
Je vous ai dit que l’Alsace est un couloir par lequel passent toutes les migrations, tout le trafic, c’est pourquoi on trouve tout une ribambelle de châteaux dont les seigneurs encaissaient les octrois : les droits de passage sur leurs terres.
L’ Alsace : une région riche par ses terres fertiles, par son vignoble, mais aussi par les peuples qui la traversent et qui l’enrichissent par leurs différentes cultures.
Le Yiddish est né en Alsace.
on trouve dans la cuisine alsacienne, de nombreuses recettes juives qui existent toujours.
Lire : le FOIE GRAS est alsacien : voir ICI
Lire aussi : le « BERAWAECKA » : le fameux pain aux fruits secs que l’on prépare pour Noël : voir ICI.
L’Alsace est une terre de passage, de bienvenue, mais aussi de tolérance. La culture alsacienne a été enrichie par tous les apports des gens qui y sont passés ou qui y ont élu domicile.
L’Alsace, une terre œcuménique :
L’Alsace bénéficie d’un « statut local » qui stipule que les communes doivent mettre à la disposition des habitants, un local afin qu’ils puissent pratiquer leur religion.
C’est pourquoi on trouve souvent dans les communes, une église catholique et un temple protestant. Lorsque la commune n’est pas assez riche, l’église « change de religion » : elle est catholique et protestante à la fois.
N’oubliez bien sûr pas les synagogues.
L’Alsace : une terre de traditions :
Chaque peuple qui voyage emporte ses traditions qui lui permettent de ne pas perdre son identité. C’est pourquoi les villages s’illuminent pendant la période de Noël et que les fenêtres se décorent avec des œufs pour Pâques.
Ces traditions attirent de plus en plus les touristes à la recherche de l’authenticité pas toujours au rendez-vous, surtout que les traditions autour de Noël ne sont pas si vieilles que cela.
MAIS REVENONS À NOTRE BAECKAOFFA
Un peu d’histoire :
Comme je vous l’ai dit, dès que l’on discute de l’origine des plats, il y a de fortes chances que l’on finisse par se disputer.
Je vous propose donc ma version ( S.G.D.G.) issue de mes lectures, de mes recherches et, je l’espère, du bon sens que m’ont légué mes aïeux.
LE BAECKAOFFA :
Nous avons vu que c’est une potée de viandes et de légumes que l’on portait au boulanger afin qu’il la cuise dans le four encore chaud, après la cuisson du pain.
Parmi les légumes, on trouve bien sûr les plus courants :
– les pommes de terre,
– les oignons,
– les poireaux,
Des légumes que les gens cultivent dans leur potager, où ceux qui sont vendus sur les marchés.
Parmi les viandes, on trouve :
– le porc,
– le bœuf,
– le veau,
– l’agneau.
QUELQUES RÉFLEXIONS CONCERNANT LES INGRÉDIENTS.
Il me semble tout à fait inutile de dater l’invention du Baeckaoffa avant la démocratisation de la culture de la pomme de terre ( fin XVIIIe siècle).
Pour rester intègre, il convient de signaler que les pommes de terre peuvent être remplacées par des céréales.Mais, il y a peu de traces de Baeckoffa incluant des céréales.
Il faut aussi tenir compte de l’aspect économique, quand on parle de viandes.
Je pense que l’on trouvait plus souvent le bœuf attelé à la charrette que dans un Baeckaoffa. C’est pourquoi il me semble que l’on utilisait plus souvent le veau.
Tenons également compte des interdits religieux.
Je pense que le porc ne figurait pas dans les Baeckaoffa des familles juives.
C’est justement de ce côté-là, que l’on peut trouver une explication.
Dans la religion juive, on fête le Shabbat qui interdit l’utilisation du feu du vendredi soir, au samedi soir.
Les mères de famille de confession juive préparaient donc leur potée avant le début de Shabbat et le déposaient chez le boulanger. Elles le récupéraient quand il était cuit.
Mais, il existe aussi une autre explication assez plausible.
LE BAECKOFFA SERAIT LE PLAT DU JOUR DE LESSIVE.
En effet, avant l’invention des produits pour lessives, les ménagères utilisaient les cendres du bois : (les fameuses cendres lessives). Il fallait donc attendre d’avoir accumulé assez de cendres pour faire une très grande lessive.
Prises par leur travail, les femmes n’avaient pas le temps de cuisiner le dîner. Elles copièrent donc leurs compatriotes juives, et préparaient la potée qu’elles apportaient au boulanger afin qu’il la cuise.
Quelle est la vraie origine du Baeckaoffa ?
Je pense que les deux versions sont véridiques et compatibles.
Mais l’histoire continue :
LE BAECKHOFFA VARIE SELON LES ÉPOQUES :
Je pense que la potée alsacienne présente des avantages :
– elle est nourrissante,
– elle est rapidement préparée,
– elle ne revient pas trop chère, selon sa composition.
Avec le temps, ce plat simple est devenu un plat de fête qui permet de réunir les familles avec convivialité et à la cuisinière de prendre place à table.
Il en est de même pour la choucroute qui était à l’origine, un plat simple. Ce sont le tourisme et les restaurateurs qui ont donné à ces plats leurs lettres de noblesse pour en faire des plats de fêtes.
Mais, il convient de ne pas oublier que ce sont des plats de la cuisine régionale, une cuisine qui doit nourrir et ne pas être trop onéreuse.
Qui sait, c’est peut-être la nostalgie ou la mode qui pousse les gens à se retourner vers la cuisine à l’ancienne et qui ont invité le Baeckaoffa sur les tables des fêtes.
MAIS LE TEMPS PASSE :
Il est très rare que l’on respecte à la lettre les recettes qui nous viennent du passé. Je pense d’ailleurs que la cuisine populaire appartient avant tout à ceux qui la préparent. Chacun ajoute son « petit grain de sel » ses coups de mains, sa patte comme l’on dit.
LE BAECKAOFFA ÉVOLUE CONSTAMMENT :
Celui que je prépare n’a que peu de points communs avec celui de ma grand-mère et qui sait, mes enfants adapteront ma recette à leur goût.
LE BAECKAOFFA DE PAPY JIPÉ :
LES VIANDES :
– Porc :
Je préfère de l’échine, un peu plus grasse certes, mais de ce fait est un peu moins sèche aussi.
– Veau :
Les morceaux destinés à la préparation des blanquettes conviennent très bien.
– Agneau :
L’épaule me semble tout indiquée.
– Bœuf :
Le gite convient bien, mais tous les morceaux permettant de préparer le bœuf bourguignon sont utilisables.
LES PETITS PLUS :
La viande sur les os enrichit toujours les plats.
J’essaie donc de trouver :
– des queues de porc, du jarret, des pieds aussi.
PASSONS AUX LÉGUMES
Traditions obligent, on trouvera :
– pommes de terre,
– poireau,
– oignons,
– ail.
Nouveautés :
– je choisis d’enrichir mon Baeckaoffa avec des légumes de saison
– carotte,
– navet,
– rutabaga,
– topinambour,
– persil en racine,
– panais.
PHILOSOPHIE GÉNÉRALE ET IMPLICATIONS TECHNOLOGIQUES
Les viandes sont marinées.
Anciennement, elles étaient parées, puis découpées et mises dans un récipient avec une garniture le tout recouvert de vin blanc, un peu de vinaigre et quelques épices : poivre, clous de girofle, baies de genièvre, bouquet garni.
Je préfère utiliser une méthode plus moderne : la marinade sous vide.
Je mets mes différents éléments dans un sachet. Je n’ajoute qu’un seul verre de vin au lieu d’un litre.
Je fais le vide. Le vin pénètrera mieux dans les viandes.
Il n’est pas question d’économie, mais tout simplement de mieux respecter le goût des viandes.
Marinade max 24 heures.
LA TAILLE DES VIANDES ET DES LÉGUMES :
Il semble logique que plus les morceaux sont grands, plus ils mettront du temps à cuire.
Personnellement, je n’aime ni les légumes trop cuits, ni les viandes pas assez cuites.
J’essaie donc de trouver un compromis.
Je taille mes viandes de façon à ce que l’on puisse en mettre facilement un morceau sur une fourchette sans être obligé de le couper.
La taille des légumes est en adéquation avec la taille des morceaux de viande.
LES LIQUIDES :
À chacun ses choix. Personnellement, je n’aime pas l’excès de vin. Je préconise un mélange de ¾ de jus de cuisson de pieds de veau et ¼ de vin blanc.
N’oubliez pas l’assaisonnement, sel, poivre concassé.
Le niveau du liquide ne devrait pas dépasser les ¾ de la hauteur de la terrine.
LE MONTAGE DE LA TERRINE :
– je mets un peu de saindoux dans le fond de la terrine.
– je dépose ensuite d’abord oignons et ail, puis les légumes en les mélangeant.
– je glisse mes extras ( queues de cochon, pieds, morceaux de jarret
– les viandes seront disposées sur les légumes afin de faciliter le service.
– je termine par une couche de pommes de terre
– assaisonnement,
– j’ajoute les liquides.
– je pose le couvercle que je lute ( ferme) avec une pâte farine+ eau + 1 blanc d’œuf pour mieux enfermer odeurs, humidité et goûts. Mais ce n’est pas obligatoire.
Temps de cuisson. Selon la taille des morceaux entre 2 et 3 heures à 180°C. Il suffit de goûter ce qui n’est pas possible quand le couvercle est collé.
SERVICE :
La terrine est posée sur la table.
Accompagnement : une salade de votre choix.
COMMENTAIRES DU CHEF :
La préparation est donc relativement rapide et se passe en 2 ou 3 étapes
– la marinade des viandes.
– la préparation des légumes.
Comme je vous l’ai dit : la cuisine populaire appartient aux cuisiniers. Par expérience, je dirais qu‘il est très rare qu’un cuisinier fasse deux fois de suite le même Baeckaoffa.
Le plus important est qu’il comprenne le POURQUOI de chaque geste technique.
Libre à lui de définir le COMMENT de sa réalisation.
BAECKAOFFA VERSION GASTRONOMIQUE
Posons bien le problème.
Il n’est pas question de servir le baeckaoffa dans les 4 étoiles.
Ce serait trahir sa véritable identité de plat simple, destiné à des gens qui ont faim et qui ne mangent pas forcément le petit doigt en l’air.
Mais rien ne nous empêche d’aller « piquer » quelques petites astuces à la grande cuisine afin d’améliorer votre préparation.
La marinade :
Anciennement, on marinait les viandes pour les conserver, soit pour enlever un goût trop fort.
Il existe des cuisiniers qui jettent le vin de la marinade.
Ils le remplacent par d’un vin frais.
L’idée de la marinade sous vide n’est apparue que depuis que le vide commence à se démocratiser et nous ne sommes qu’au début.
Les avantages de la marinade sous vide :
– il faut beaucoup moins de vin.
– le vin pénètre mieux les viandes
– la marinade est donc beaucoup plus rapide.
Le mouillement :
Il existe des cuisiniers qui mouillent exclusivement avec du vin.
Je ne suis pas partisan de cette méthode.
Il existe des cuisiniers qui mouillent en utilisant un mélange eau + vin. Pourquoi pas ? Je pense à tous ceux qui n’aiment pas trop le vin et surtout aux enfants.
Et puis l’eau ? On peut la remplacer par un produit plus sapide : non ?
Un produit qui apporte un goût meilleur ?
Et si l’on utilisait du jus de cuisson de pieds de veaux ?
Faut-il luter la terrine ?
Oui et non.
Je ne suis pas Normand.
Si vous lutez vous enfermez l’humidité, mais vous ne pourrez plus contrôler l’avancement de la cuisson.
Personnellement, je le lute plus, ce qui me permet de mesurerle degré de cuisson avec un thermo sonde
Un autre truc pour terminer :
Les amateurs aiment bien trouver des morceaux d’os, pied, queue de cochon.
L’ennui est que ces morceaux-là ne cuisent pas aussi rapidement que les autres viandes
La solution est simple : on va les précuire.
Je dis bien précuire et pas les cuire entièrement.
Ensuite, on les glisse sous les légumes pour qu’ils finissent leur cuisson. De plus, ils enrichiront les goûts et les arômes.
Voilà, j’espère avoir réussi à vous donner envie d’essayer.
Pas d’excuses : si vous ne possédez pas une grande terrine, une cocotte fera l’affaire, côté folklorique en moins.
Allons hop ! au travail.
Les illustrations photographiques sont sous © Gaby Claudel et Jean-Paul Brobeck, alias Papy Jipé.
Bœuf : paleron brut Parez la viande Elle est prete On commence la marinade sous vide
Les 3 viandes et la garniture sont mises dans un sachet spécial. Ajoutez le vin, le vinaigre. La pompe fait le vide. La viande marinée sous vide est mise dans le réfrigérateur. Préparation des légumes de votre choix
Ils sont taillés en fonction de leur dureté. Oignons, ail, échalotes Les pieds, queues, jarret sont mi-cuits séparément. Passez une couche de saindoux dans la terrine.parfumrez avec ail, oignons, échalotes. Ajoutez les légumes Poireau émincé mélangez les légumes disposez les queues, piedsmi-cuits.Suite des légumes. viandes au dessus pour le service POmmes de terre et un tout petit verre de vin blanc On termine avec les pommes de terre et l’assassionnement Mouillez de préférence avec du jus de cuisson de pieds de veau Four180_C ou moins si vous avez le tempsA table pour Noël ou une autre occasion
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