« La Nature, dit-on, fait bien les choses. »
Dans toute chose, il y a des grands, des petits et des moyens.
Normal.
Pourtant, pas si normal que cela.
Enfin tout dépend de l’angle sous lequel on examine la chose.
Il y a même des savants qui se sont penchés sur ce problème : des savants qui l’ont examiné à la loupe, ou avec un pied à coulisse…
Allez savoir, ce qui se passe dans la tête des savants !
Il y en a un, en particulier, qui a étudié le problème à fond et qui a fini par découvrir, je vous le donne en mille : une cloche.
Quoi, vous ne connaissez pas la cloche de Gauss ?
Et bien M. Gauss, Carl Friedrichné en 1777 à Brunswick, donc de l’autre côté du Rhin, était mathématicien.
Normal.
Mais il a été surnommé le Prince des mathématiciens.
Là, chapeau Monsieur Gauss !
Il était si célèbre que son portrait a fini sur le billet de 10 Mark.
Toujours est-il que notre cher Carl s’est penché sur le problème des probabilités.
Il a trouvé que dans un groupe de….. n’importe quoi, il y a :
– peu de petits.
– peu de grands.
– beaucoup de moyens.
Dit comme ça, ex abrupto, cela peut ressembler étrangement à enfoncer une porte ouverte.
Normal !
Mais, quand on reporte les mesures dans un graphique, on obtient un tracé en forme de cloche. Ah voici la fameuse cloche de Gauss.
Le truc est que cette cloche peut glisser le long de l’axe des X celui des abscisses, et que l’on peut donc dire que le groupe examiné a une tendance vers les grands, ou vers les petits.
Merci M. Gauss, je vais faire retentir une volée de cloches pour vous.
Vous savez que pour les cuisiniers, les mathématiques ne sont par leur souci premier. Elles ne se mangent même pas.
Revenons donc à notre point de départ.
« La nature fait bien les choses. »
Depuis M. Gauss, on sait que cela n’est pas totalement vrai.
Tenez, par exemple les pommes de terre.
Il y en a des grosses, des petites et un tas de moyennes plus ou moins…
Essayez de cuire tout ce petit monde.
Les petites seront trop cuites.
Les grosses seront encore crues.
Et les moyennes n’en feront qu’à leur tête.
Un truc à devenir fou.
Un truc à mettre le bazar dans la cuisine.
Donc, un jour, un cuisinier eut une idée géniale.
« Et si l’on choisissait des patates de la même taille. »
Vous allez rire, mais ça marche.
Seulement voilà, le temps de choisir, c’est perdre du temps pour le patron.
Faut trouver mieux.
Et voilà qu’un marmiton anonyme parce qu’il a oublié de laisser son nom à la postérité, eut une autre idée aussi géniale que celle du premier :
« Si les patates n’ont pas la même taille, il n’y a qu’à leur donner la même taille. »
Fabuleux non ?
Et les voilà partis sous l’œil inquisiteur du patron.
– Ne me faites pas de grosses épluchures !
– Chef, ce ne sont pas des épluchures, mais des parures et puis on en fera de la purée.
Le patron retrouve un demi sourire, car un patron n’est jamais totalement content, et les marmitons se mirent au travail.
Les petites pommes de terre furent taillées en forme de comment dire ?
Oui, comme de petites navettes, j’allais presque dire des suppositoires : pardon.
Elles furent baptisées POMMES COCOTTES.
Celles un peu plus grandes, vous voyez la taille d’un œuf, reçurent le nom de POMMES VAPEUR.
Encore un peu plus grandes, voici LES POMMES CHÂTEAU.
Les « maous costauds » furent appelées POMMES FONDANTES.
LE NEC PLUS ULTRA.
L’affaire de la taille étant réglée, il reste à trouver une solution pour la forme car il y en avait des carrées, des longues et des tordus.
« On ne sort pas en boîte, quand on travaille le lendemain » : dixit le Chef
C’est ben vrai ça !
Après un véritable « brainstorming » autour d’un sauciflard et d’une baguette de pain croustillant, on trouva la solution.
EUREKA !
« Les patates sont rondes : non ? Alors on va garder cette forme mais on va les allonger plus ou moins.
De plus pour faire joli, pendant que nous les « taillons », nous nous arrangeons pour leur donner 7 faces. »
Le verbe tailler me gène, releva un marmiton.
Tailler fait penser à des lignes droites, on devrait trouver un autre mot.
Moi, je propose « tourner » car quand tu arrives à la fin, tu retrouves le départ.
Et c’est ainsi que l’on inventa la technique qui concilie tout le monde, les gros, les petits et les moyens… sauf le Chef, car un chef n’est jamais totalement content, sinon il paierait un coup à boire, car une baguette même croustillante, ça donne soif.
La véracité de cette histoire reste à prouver, car le marmiton qui a inventé la technique de TOURNER LES POMMES DE TERRE, s’est tiré en douce, avec la fille du Chef.
Pas de commentaires, je vous prie, il est assez triste comme ça.
Qui ?
Le Chef.. pour sûr.
Et le marmiton ?
On verra cela après les 10 ans de mariage, car la fille tient du père.
Depuis ces temps, il est de tradition, du moins dans les grandes maisons, de servir des pommes de terre tournéesqui comptent sept faces.
Mais croyez-moi, même si elles n’ont que cinq faces, elles se mangent quand même.
C’est finalement qu’une question de prix.
Et oui !
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