La Guerre de Troie n’aura, paraît-il, pas lieu.
Qui sait ?
Moi, je sais que la guerre des prof de cuisine a bel et bien eu lieu et j’en ai même été un des acteurs.
Bon, il faut que je vous explique :
Dans les lycées de spécialités techniques, on trouve tout une sacro sainte hiérarchie.
Il y a le ou la proviseur
Il y a ensuite la valetaille : cohorte des professeurs chargés de l’enseignement des matières nobles et les autres auxquels il incombe de transmettre les connaissances disons manuelles.
Intellectuels contre manuels. C’est vieux comme le monde !
Ce petit monde se côtoie, s’observe, se supporte…
Et par dessus tout cela (comme le chante Gilbert Bécaud), il y les gestionnaires. Ils sont chargés de veiller au bon fonctionnement.
Je dirais, qu’ils sont théoriquement chargés de réunir les conditions matérielles qui permettent aux autres de bien faire leur métier.
Voilà qui est dit.
Oui, mais …
Il est quand même une incohérence fondamentale. Il existe des établissements qui ont la chance de pouvoir se prendre en charge parce qu’ils produisent, fabriquent, réalisent…
Il existe aussi, les établissements qui ont du mal à joindre les deux bouts. Alors, on se débrouille, on fait « pour un bien ».
Les gestionnaires de ce gente d’établissements n’ont qu’une obsession : « faire tourner leur boîte ».
Mais voilà, cette obsession est une maladie très contagieuse qui atteint même les autres lycées ; alors il faut bien le constater, c’est un peu la course : course aux résultats, course aux chiffres.
Et quand les résultats ne sont pas satisfaisants, (c’est très rarement le cas), le gestionnaire entreprend une croisade de chasse au gaspi, il comprime, il serre la vis, il rabiote…il cherche la petite bête.
La gestionnaire de notre lycée, elle, a voulu innover.
Elle a constaté que les professeurs de cuisine mangeaient dans leur cuisine et qui plus est, ils mangeaient les mêmes plats que ceux servis au restaurant.
Ah non : un prof est un prof.
Pas de favoritisme : tout le monde à la cantine !
C’est bien, dirent les prof de cuisine : nous allons manger à la cantine.
Alors, ils fermèrent leur cuisine à clef et firent la queue au self service, comme tout le monde.
Et pendant que les prof s’alimentaient, quelques petits nuages disons de couleur foncée annonçaient que là-bas, derrière les portes closes à double tour, les plats commençaient à brûler. Personnes pour les surveiller.
Deuxième décision :
Les prof de cuisine sont autorisés à manger sur les lieux de leur travail mais ils mangent le même repas que celui servi à la cantine.
Alors, il y eut brusquement comme un grand ramadan.
Les prof perdirent leur appétit. D’ailleurs, je voudrais vous y voir. Vous venez de goûter 15 potages, 15 entrées, 15 viandes et 15 desserts.
Avez-vous encore faim ?
Non ! Moi non plus, merci.
Réaction de la gestionnaire :
Il est interdit aux prof de cuisine de goûter dans les plats !
Alors, il y eut une vague d’incidents vraiment regrettables.
Une salière peut tomber par hasard dans un potage. Comment savoir si le potage n’est pas trop salé, quand on ne peut plus goûter ?
Et quand par le plus pur des hasards, la soupière en question est justement posée sur la table des amis du proviseur…
Un pur hasard, je vous l’assure.
La réaction ne se fit pas attendre :
Les prof de cuisine sont autorisés à manger sur le lieu de travail. Ils ont l’obligation de s’assurer que les plats servis au restaurant sont de bonne qualité gustative.
Par contre, attendu que les prof mangent pendant leurs heures de travail, une durée équivalente à la durée réglementaire de repas, leur sera décomptée sur leur traitement.
Un prof n’est finalement qu’un prof.
Menuiserie, couture, coiffure ou de cuisine un prof n’est in fine qu’un fonctionnaire astreint par le règlement général de l’éducation nationale à faire un quota d’heures obligatoires.
Bien se dirent les prof de cuisine.
Si tel est le cas, nos horaires prévoient que les cours de cuisine s’achèvent à 22 heures.
Plus question de rester en cuisine jusqu’à minuit en attendant que les clients du restaurant terminent leur repas.
et vitam aeternam…
On n’arrête pas le progrès,
La bêtise non plus.
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