A moi, compte, deux mots.

A moi compte, deux mots !

 

La réunion durait depuis un peu plus d’une heure. Les enseignants de l’école avaient lancé les invitations et les parents étaient venus relativement nombreux.

On discutait ferme. Le ministère de l’Education nationale, plus ou moins contraint, avait encouragé ce genre de réunions dites de concertation. Comme toujours, il y a les « pour » et ceux qui sont « contre ».

Extraits  de quelques interventions :

– Est-ce que l’on nous demande notre avis quand il s’agit d’augmenter les impôts ? Non.
– Alors, je ne vois pas très bien pourquoi, brusquement, on nous demande notre avis quand il s’agit de définir les programmes scolaires !
– C’est du blabla. De toute façon, le ministère fera ce qu’il voudra ; mais on pourra toujours dire que l’on vous a concertés.

Cela commençait à chauffer sérieusement et monsieur le directeur avait bien du mal à calmer les esprits.
C’est alors que madame P… (Appelez la : Paulette, Patricia, Pierrette…peu importe) prit la parole :

« Moi, je voudrais que l’on arrête de prendre nos enfants pour des imbéciles. Leur raconter l’histoire du père Noël, ce n’est pas sérieux. Il en va de même pour tout ce qui touche aux religions. Il me semble que même si l’Alsace possède un statut particulier, elle reste une région française et que l’école de la France se doit d’être avant tout laïque. »

La discussion reprit de plus belle. Le sujet est, comment dirons-nous, brûlant. Il divise et l’on ne se prive pas d’exprimer son opinion.

Personnellement, reprend madame P, je tiens beaucoup à ce que l’on développe l’esprit critique de mes enfants. Il ne s’agit pas de leur faire gober n’importe quoi. Je tiens à préciser : il faut développer l’esprit critique et non pas l’esprit de critiques, inutile et stérile.

Le rôle de l’école est de former le futur citoyen responsable conscient de ses droits mais également de ses devoirs.

Et pourtant…

Activons la machine à remonter le temps…

La journée avait été longue. Madame P dirige dans une entreprise de services à la personne. Ce genre d’entreprise a actuellement le vent en poupe. On prévoit qu’en 2060 plus de la moitié des français aura plus de 60 ans. Une population vieillissante. C’est le résultat des progrès en médecine, de la diminution de la pénibilité du travail, d’un manque de natalité aussi.

Toujours est-il que ce genre de sociétés commence à se multiplier et que la concurrence est rude. Elle sera d’autant plus rude que l’on attend une prise de conscience des français. Ils doivent comprendre que tôt ou tard, eux aussi seront obligés de faire appel aux services à la personne, alors qui sait, l’état devrait peut-être faire un effort.
Et quand je dis l’état, c’est tout simplement nous. Il faut une politique qui tienne compte des réalités.

Toujours est-il que pour l’instant, nous sommes dans une économie de marché dont le moteur principal est la concurrence, le bénéfice aussi et qu’il convient de faire tout son possible pour réduire les frais.

Alors, on limite les salaires et l’on fait la chasse au gaspi.

C’est dans ce contexte-là, que madame P avait appelé la secrétaire pour lui dicter la lettre suivante : (copié – collé d’une lettre reçue)

Cher client :

La préservation de l’environnement nous concerne tous et nous tient particulièrement à cœur dans notre société. Chaque mois, nous vous faisons parvenir vos factures, ce sont un grand nombre de courrier qui sont postés à destination de nos clients et bénéficiaires.

Dans un souci de faciliter les envois de factures et de réduire notre impact écologique, la société a pris la décision de modifier les modalités d’envoi des factures mensuelles établies pour les prestations à votre domicile.
Sauf avis contraire de votre art, les factures vous seront dorénavant envoyées par email à partir de mois de mars…

Signé P

L’autre façon de voir :

J’ai la chance, je l’avoue, d’être tombés sur des professeurs qui ont su développer mon esprit critique. Hurler avec les loups, ce n’est pas ma tasse de thé.
Peut-être que j’ai hérité cela dans mes gènes. Grand-père était paysan et avait les pieds bien sur terre.
Il appelait (comme on dit chez nous) un chat un chat. Pas de fioriture, pas de périphrase : un chat c’est un chat.

Il ne fallait pas lui en compter comme dit l’adage.

Oui, c’est peut-être grand-père qui l’a légué cet esprit d’indépendance.
Cela ne m’a pas toujours servi. Le monde actuel préfère ceux qui rampent, ceux qui font profil bas.

Des moutons avant les loups !
Des moutons : beaucoup mieux gouvernables, contrôlables, malléables…
Il existe même des gens qui trouvent que les moutons, c’est plus vivables.

Je me permets de poser juste une petite question :

Les moutons sont-ils responsables ?

Et oui, faut savoir ce que l’on veut.
On chante les louanges de tous ceux qui acceptent sans broncher. Comment les rendre responsables ?

Mais revenons à nos moutons, enfin je veux dire à nos factures.

Dans sa lettre madame P invoque le respect de l’environnement. Nous n’imprimons plus. Nous préservons donc la nature. Nous réduisons notre impact sur notre environnement.

J’applaudis des deux mains !

Juste quelques questions subsidiaires :

Les bénéficiaires (par définition âgés) possèdent-ils tous un ordinateur ?
Savent-ils l’utiliser ?
Et si, pour garder des traces, ils impriment les documents où est la réduction de l’impact sur l’environnement ?

OUI, MAIS

Ne pas imprimer c’est :

– économiser du papier.
– économiser de l’encre.
– économiser des heures de secrétariat.
– économiser des timbres.

Tout bénéfice non ?
Mais pour qui ?

On n’arrête pas le progrès.

On peut toujours rêver.

D’ici quelques années, on vous demandera de faire votre ménage vous-mêmes et de nous envoyer la facture ;
Nous vous dirons alors ce que VOUS NOUS devrez.

Par email bien entendu.

 

 

 

 

 

 

 

 

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