TROP DE SEL ATTENTION

Le client entra dans la salle, suivi de sa femme.
C’était un restaurant dont la réputation s’étendait  loin au-delà de la région.
On peut parler, sans exagération, d’une réputation nationale.
D’ailleurs, les inspecteurs des différents guides lui avaient attribué un nombre d’étoiles correspondant.

La salle était aménagée le long d’une rivière et l’eau avait un pouvoir  apaisant.
Le personnel se déplaçait en silence sur une moquette épaisse.
La puissance des  lumières avait été ajustée pour participer à la création d’une ambiance feutrée.

Le couple choisit  une table tout près de la baie vitrée et l’on voyait au loin, les maisons du village, le clocher avec son horloge et plus loin encore, les Vosges qui semblaient porter des capuches blanches : première neige de l’année.

La lecture de la carte des menus fut en elle-même déjà un régal et, je ne vous cache pas que le choix fut difficile car les mots avaient le don de déclencher des rêves.

L’apéritif, du Champagne, fut servi et le maitre d’hôtel vient prendre la commande.

Nous prendrons tous les deux, le même menu.

– foie gras poêlé avec sa rose en pomme

– noisettes de chevreuil, sauce grand veneur.
– pommes aux airelles.
– garniture de légumes avec haricots verts croquants et carottes glacées.
– pommes Darphin

– assortiment de fromages
 – desserts gourmands.

C’est le mari qui passe la commande.
Il a bien soin de préciser que sa cardiologue qu’il avait consultée récemment, lui avait fortement recommandé de réduire le sel dans son alimentation. Il prie donc le maitre d’hôtel de bien vouloir en informer le chef.

Le repas fut servi rapidement dans des assiettes de formes variées.

Le foie gras poêlé était juste rosé.
Une pomme taillée en forme de rose l’accompagnait.
Quelques gouttes d’une sauce délicieuse mettaient un point d’orgue sur cette entrée délicate.

Le chef avait bien reçu les doléances du client.
Point trop de sel.

Petit intermède non annoncé sur la carte et qui fait d’autant plus plaisir :
– granité de pamplemousse rose au genièvre de Houles.

Les noisettes de chevreuils furent servies dans une grande assiette à bord rouge qui mettait en valeur le fagot de haricots croquants bien verts.
Ajoutez l’orange des carottes tournées et glacées et le doré des pommes Darphin.
Un tableau aussi bon que beau.
Ou l’inverse.

– On put choisir les fromages qui furent présentés dans leur « cercueil » de cristal, c’est ainsi que l’on appelle cette vitrine oblongue posée sur un charriot en bois.

– La ronde des desserts gourmands avait réellement de quoi vous faire tourner la tête.
il y avait là, tout ce que l’on pouvait désirer et le maître d’hôtel prenait soin de préciser que le chef pâtissier était prêt à exhausser tous les désirs particuliers.

Un rêve, je ne vous dis pas !

C’est en sortant du restaurant, là, juste sur le dernière marche que le client ressentit une vive douleur.
Il porta sa main sur son torse et s’écroula.
Son épousa poussa un cri.
Quelques membres du personnel accoururent, pendant que le maître d’hôtel composait déjà le numéro du SAMU.

Une ambulance déposa le malade juste à temps pour que les médecins alertés purent le sauver.

Ouf ! Quelle chance
Pourtant, il est important de comprendre le pourquoi.
« Vous avez mangé trop salé ?
– oh que non, j’ai pris la précaution de  faire prévenir le chef
– vous savez entre ce que l’on dit et ce que l’on fait il y a une marge
– non je vous assure que le repas n’était pas trop salé.”

Le chef de service et son adjoint eurent beau essayer d’analyser : rien.
C’est un interne de première année, pince sans rire qui trouva l’explication.

Le repas n’était peut-être pas trop salé
mais la note ?

On ne se méfie jamais assez !

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