l’Expérience.

L’Expérience :

 

Dans le langage populaire, le mot « expérience » est souvent lié à la notion du temps qui passe.
Il est rare que l’on parle de l’expérience d’un jeune ou alors on dit :

« Il est jeune, mais possède déjà pas mal d’expérience ! »

La conjonction « mais » devrait nous mettre «  la puce à l’oreille »
Par définition, une conjonction est un mot qui sert à relier deux éléments. Ces deux éléments peuvent avoir le même sens ou alors un sens différent, voir opposé.
Dans la phrase ci-dessus : les mots « jeune » et « expérience » semblent s’opposer. La conjonction « mais » essaie de concilier leurs sens apparemment incompatibles.

« Jeune » et « expérience » ne vont généralement pas de paire.


Analyse :

 

Il me semble important d’approfondir la question et nous attachant à définir le mot « expérience »
Que désigne-t-on par le mot expérience ?

Commençons tout d’abord par une constatation.
Le mot expérience (au singulier) et le mot expériences (au pluriel), n’ont pas le même sens.

Commençons par celui qui semble être le plus facile.

 

Le mot « expériences »(pluriel) nous renvoie vers d’autres mots : le laboratoire, le chimiste et ses éprouvettes. Il nous renvoie aussi vers l’image d’un enfant qui essaie, qui tombe, se relève et recommence : un enfant qui fait ses expériences. Il essaie de trouver ses limites ou les limites à ne pas dépasser. Il joue avec la patience de ses parents jusqu’au point où ceux-ci mettent un terme à la liberté d’expérimenter.

C’est d’ailleurs la même démarche que celles des scientifiques qui explorent un domaine : on avance soit par tâtonnement (méthode empirique) soit on émet des hypothèses que l’on soumet à l’expérience afin de les vérifier ou de pouvoir en émettre d’autres (méthode analytique).

Le mot « expériences » au pluriel nous conduit tout droit vers les domaines scientifiques.

Mais comme nous l’avons déjà souligné, il existe aussi les expériences de la vie, c’est-à-dire les «  choses que nous avons apprises » au contact des autres. Quand on parle d’une vie enrichissante, ce n’est pas seulement au compte en banque que l’on pense.

Si les «  voyages forment la jeunesse » on pourrait également dire que l’accumulation des expériences contribue à former le jugement.

Je vous propose de faire un parallèle avec un autre mot qui change de sens selon qu’il est employé au singulier ou au pluriel.
C’est le mot «  connaissance »

L’accumulation de connaissances permet, mais ce n’est nullement une obligation, d’affiner la connaissance de l’on a dans un domaine. Un homme qui possède la connaissance s’apparente à un homme qui a compris les tenants et les aboutissants, c’est celui qui a compris le schéma global. Il vole plus haut et voit les choses à une autre échelle.

 

Il semblerait donc que pour acquérir de l’expérience, il faille tout d’abord beaucoup de temps. Ce temps sera mis à profit pour faire les expériences qui permettront l’accès à une connaissance plus approfondie.

Vouloir faire l’économie des expériences c’est en quelque sorte l’obligation d’énoncer des postulats, c’est exiger de croire sans avoir fait les preuves.
Au niveau pédagogique c’est priver « l’apprenant » du contact avec la réalité. On croit, on a l’illusion de gagner du temps. En réalité, on sème les germes d’un divorce qui surviendra tôt ou tard.

Les expériences, sont nécessaires, je dirais obligatoires dès lors que l’on cherche à acquérir l’Expérience.

 

Pour clore momentanément le sujet, je vous propose une phrase qui semble résumer notre propos :

 

« L’expérience est une sorte de crible qui ne laisser filtrer que l’essentiel. L’accessoire, le superflu, l’inutile restent dans le tamis.
C’est peut-être pourquoi, le geste parfait paraît si élégant, si facile. »


L’idée de cette phrase m’est venue lors d’un reportage. La danseuse étoile du théâtre quittait la ville pour « monter » à Paris.
Elle m’a accordé une séance de prise de vues, seuls dans le théâtre.
Elle était habillée d’un juste au corps noir. Il n’y avait que ses bras et ses jambes qui ressortaient en blanc.
Pendant qu’elle dansait sans musique, je voyais des papillons blancs qui volaient.
C’est là, que l’autre moi-même est venu murmurer à mon oreille.