L’art et la manière

Papa utilisait régulièrement une expression très imagée :

«  La vie est comme un élastique,
Quand on tire trop, il finit par casser.»

Je pense que dictons, proverbes, et expressions populaires ne sont, in fine, qu’une façon de transmettre une partie des expériences de vie qui finissent par devenir la sagesse des gens simples.

Il est vrai que nous sommes tous, régulièrement confrontés à des problèmes plus ou moins difficiles, mais qu’il faut savoir résoudre, pour ne pas se pourrir la vie.

Pour résoudre un souci quelconque, nous avons plusieurs solutions.

On peut tout simplement faire le mort : ignorer le problème.
C’est dans le même ordre d’idée, que je rangerais un grand classique dénommé « la langue de bois ». C’est une pratique que l’on trouve souvent dans certains milieux, notamment chez les gens qui trouvant que de travailler est fatigant et difficile, préfèrent vivre en parlant du travail des autres bla-bla-bla…
On a même construit des locaux spécialement destinés à ce genre activités.
Le fameux poème de Kipling pourrait se terminer par :

« Et si tu ne sais rien faire, tu seras politicien : mon fils! »

Dans ma vie, j’ai connu une période où j’étais journaliste d’un canard dont la vocation était de dénoncer tout ce qui n’allait pas, tout ce qui n’était pas conforme aux us et coutumes d’une morale respectueuse.
J’ai donc appris « à foncer dans le chou ». Méthode très efficace, je peux vous le certifier, surtout quand vous prenez toutes les précautions qui s’imposent.

Un jour, j’étais dans une file de la poste. J’attendais depuis un bon moment, quand enfin, ce fut mon tour. L’agent commença alors à compter sa caisse.
Elle comptait et recomptait. Il est vrai que cela lui permet de fermer son guichet pile à l’heure réglementaire.

«  Madame, je vous signale que j’attends depuis un moment.
– Pour tout réponse, un regard dédaigneux
– Madame, pourriez-vous me donner votre nom ?
– Pour quoi faire ?
– Afin de pouvoir vous identifier.
– Je n’ai pas à vous donner mon nom !
– Je crois, Madame, que vous ne connaissez pas le règlement. Tout agent en contact du public doit afficher son nom ou son matricule. Cela compte pour les agents de poste, comme pour les policiers.
– Je me fiche de ce règlement !
– Mais vous ne refusez pas que la sécurité sociale indemnise les réparations dentaires des gens en contact avec le public.

Comme la dame était têtue et que je le suis aussi, j’ai sorti mon téléphone portable, afin de joindre une photographie à la lettre de plainte que j’ai adressée aux instances supérieures de la poste.

Je garde sous silence d’autres événements du même acabit, comme le jour où j’ai accompagné, une vieille dame qui avait perdu sa carte d’identité à la mairie. L’agent municipal ne pouvait renouveler le document que si on lui présentait la carte perdue.

On ne se fait pas que des amis, à agir de la sorte, mais j’avais bonne conscience de faire mon devoir.

Et puis un jour : la retraite.
Il existe des professions que l’on ne quitte pas en partant en grandes vacances définitives. Le curé reste curé, mon épouse restera cardiologue et moi je continuerai, j’en suis sûr, à regarder le monde et à écrire des articles.

L’autre jour : petit incident plaisant qui vous guette tous : panne de connexion internet.

C’est là que l’on prend vraiment conscience que nous sommes devenus prisonniers des technologies modernes. Plus d’internet : c’est adieu le téléphone, adieu la télévision aussi
Le désert, la dèche quoi !

J’ai donc composé le numéro de mon FAI : lisez mon Fournisseur d’Accès Internet et comme vous le savez, vous avez d’abord droit à une petite musique d’attente, puis à un QCM : questionnaire à choix multiples dont le but est de vous orienter vers le bon interlocuteur.

Après x… minutes, c’est une brave dame qui m’a répondu.
J’étais comment dire : chaud bouillant.
Mais voilà : grande surprise, la dame m’a interrogé très poliment et je dirais même très professionnellement. Je ne sais si la sympathie est capable de se faufiler à travers des fibres optiques ou les ondes de mon téléphone portable, mais la discussion est restée courtoise. Nous avons bavardécomme de vieilles connaissances.
Elle m’avait annoncé qu’un technicien viendrait chez moi pour effectuer les contrôles et éventuellement les réparations qui s’imposent.

J’ai été obligé de lui annoncer qu’étant handicapé il serait prudent d’informer le technicien qu’il devrait éventuellement sonner plusieurs fois pour le laisser le temps d’arriver à la porte.

L’homme arriva le lendemain.
Après son intervention, nouvelle surprise, la dame m’a retéléphoné pour savoir si les réparations étaient faites

J’ai malheureusement été obligé de lui annoncer que nous étions tombés sur un problème compliqué et pour l’instant sans solution.

La dame m’a donc annoncé qu’elle s’occuperait tout particulièrement de mon cas et elle m’a même donné son numéro professionnel personnel, pour que nous puissions suivre la résolution du problème.

Je dois vous avouer que cet incident m’a laissé songeur.
Il y a encore quelques années, je n’aurais pu me retenir et j’aurais foncé façon taureau camarguais.
Est-ce l’entreprise qui avait donné des ordres de tempérance à ces agents, ou est-ce le seul caractère de mon interlocutrice.

J’ai passé une partie de ma vie à dénoncer, maintenant, il me semble équitable de dénoncer non pas ce qui «  cloche » mais ce qui va bien. Juste pour rétablir l’équilibre.

Vous avez le choix

Orange ou citron.

Je vous laisse le soin de deviner. Je ne voudrais pas être accusé de faire de la publicité.

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