UN SIMPLE REGARD

Un simple regard.
 

Dimanche dernier, une institution a fait appel aux volontaires pour emmener en promenade des enfants handicapés.
Un élan de coeur m’a conduit là-bas.
On me confia deux petites filles et leur maman adoptive.
Morane a tout juste deux ans, sa “soeur” en accuse quatre.
Il y a bien longtemps que j’ai revendu le siège bébé de ma voiture.
Nous sommes donc partis dans la voiture de la “maman”.
Destination : la forêt avec, en prime, une promesse de pique-nique.
C’était la première fois que les deux petites se rendaient en forêt.
Ce fut une véritable découverte ponctuée de rires, de cris, d’exclamations.
L’aînée me tendit la main et me dit : “viens, montre-moi”.
Alors, nous avons fait une promenade, nous arrêtant devant chaque fleur, regardant les jeunes feuilles que le printemps avait déposées sur les branches.
Oh ! ils étaient craintifs mes petits oisillons : peur d’un petit rien, mais quelques explications suffirent pour calmer les angoisses.
Le soleil ne se montra pas généreux, alors nous avons pris la direction de la côte pour aller voir les bateaux.
Je voulais également leur montrer les planeurs qui volaient tout là-haut dans le ciel redevenu bleu.
Le pique-nique nous rassembla autour d’une table.
Le plus petite ne mangea que sa nourriture habituelle.
La grande accepta de goûter du bout des lèvres, les victuailles que nous avions emportées.

Après le repas, je pris l’aînée par la main pour aller voir de plus près les planeurs ; pour saluer les copains aussi.
Je ne me doutais pas de ce qui m’attendait.

Un regard interrogateur. “ Ce sont tes enfants “?
Je fus surpris de la rapidité de ma réponse négative.
“ Non, je promène deux petites filles”.

Le soir, j’ai eu du mal à trouver mon sommeil.
Dans ma tête les images se bousculaient.
C’est le regard de l’Autre qui tue ;
mais ce qui me peine le plus c’est ma propre réaction.
Je me croyais plus fort.

Mais on se croit toujours un peu trop fort.