Au coin de ma rue : une boucherie.
Je passe devant le magasin au moins trois fois par jour, quand je vais promener mon chien.
D’ailleurs : qui promène qui ?
C’est le « gamin », un solide gaillard, qui me tire. Il suit une piste odorante qui me restera à jamais inaccessible.
Quand j’aperçois le boucher, je lui fais un petit bonjour.
Quand le boucher aperçoit mon chien, il me fait signe afin que je m’arrête devant la porte du magasin, et là, délice des délices, le boucher lui offre un os.
Pas étonnant donc qu’il y a bien longtemps que mon chien me promène sur des itinéraires qu’il choisit.
Les années sont passées. Dorénavant, je cueille quelques branches de laurier avant de promener mon chien. Le troc : laurier contre os, est devenu une véritable tradition avec, en prime, une amitié, car le boucher est une fine bouche, et nous prenons plaisir à échanger des recettes et des coups de main.
Quand on est heureux, on ne voit pas le temps qui passe.
Un jour, mon chien est mort en pleine vie, sans avoir pris la moindre précaution de m’avertir.
L’année suivante, un accident me propulsa dans une retraite (vous auriez pu au moins rajouter : bien méritée !)
J’avais enseigné pendant les presque 37 ans et demi, obligatoires.
Passer en retraite, c’est changer de vie. Il faut à tout prix retomber sur ses pieds, trouver de nouvelles passions, de nouvelles raisons d’affronter le quotidien.
Pendant des années, mes journées très longues. Je devais être au lycée dès 7 heures pour contrôler les livraisons et je rentrais rarement avant 23 heures, quand le dernier client avait quitté le restaurant.
L’autre jour, j’ai discuté avec Régis, mon ami boucher.
– mets-moi 150 g de viande hachée maigre
– tu joues à la dinette avec tes 150 g ? Tu vas faire quoi avec si peu de viande ?
– j’ai envie d’un steak tartare
– tu veux que je te donne de la sauce ?
– Oh ! ce n’est pas parce que je suis en retraite, que je ne sais plus préparer une sauce.
Nous avons évoqué le passé : le bon vieux temps, celui qui nous en avait fait baver tous les jours, mais qui s’est transformé en souvenirs.
Le filtre du temps avait fait son œuvre.
Chaque jour, on nous livrait une trentaine de kilogrammes d’os et de viande de basse qualité. Nous préparions nos fonds pour les sauces :
un fonds brun, un fonds blanc, des fonds de volaille et du fumet de poissons
Et les énormes têtes de cabillaud nous regardaient tout étonnées de finir la vie dans un restaurant.
Ma mère m’avait appris à être économe, alors, avec les parures de légumes, je préparais des potages que s’arrachaient les professeurs des autres matières.
Et elles étaient grandes, ces marmites, trente litres, pour le moins. Et puis, il y avait les autres plus grandes encore, montées sur cardan, avec une manivelle pour les faire basculer.
Le mixer était tellement grand que nous l’avions surnommé la girafe.
Depuis que je suis retraité, je continue bien sûr à préparer mes repas, mais j’ai l’impression de jouer à la dinette avec mes toutes petites casseroles.
J’ai beaucoup de mal à m’adapter, à ne cuire que de petites portions, et il m’arrive souvent d’être obligé de manger le même repas pendant plusieurs jours de suite.
Alors, de temps en temps, j’invite des amis pour retrouver l’ambiance, pour ne pas perdre la main.
Besoin de l’autre :
cet Autre qui me constitue, comme le disait si bien Roger Garaudy.
N’en est-il pas de même de toute notre vie ?
L’enfant passe du berceau, à la chambre, puis, de la cour, à la rue, au quartier. Avec son premier vélo, il visite la région.
La première voiture lui permet de découvrir son pays, mais il rêve déjà de voir le vaste monde.
Il construit sa maison qui s’avère rapidement trop petite et qui devient immense quand les enfants ont quitté le nid.
C’est la théorie de l’expansion de l’Univers découverte par l’astronome américain Edwin Hubble dans les années 1920.
Et puis, lentement, inexorablement, le temps passe, laissant un cheveu blanc par ici, une ride par là.
Le parc dans lequel je promenais mon chien semble prendre un malin plaisir à s’éloigner chaque jour, un peu plus. Aller jusqu’à la plage devient de plus en plus difficile.
Et puis voilà que le grand Jacques se met à chanter sa si poignante chanson : les vieux
Il nous entraine à faire nos dernières promenades
de la maison au jardin
du lit à la fenêtre
et puis, du lit au lit.
Je plains les gens sans souvenirs, car c’est dans ta tête, que tu feras tes derniers voyages.
Les illustrations photographiques sont soumises à © Jean-Paul Brobeck, alias Papy Jipé.
Retour page accueil du site et du moteur de recherche : ICI
Retour page accueil du site et du moteur de recherche : ICI
Retrouvez Papy
Website 1
http://www.unmiroirpour3visages.com
Website 2
http://trucapapy.com
Audiovisuels :
https://www.youtube.com/channel/UC5Ntaw4v4nqPPbefbLKLuqA
https://studio.youtube.com/channel/UCe13PLpL_6ctK9umvLAUleA/videos
Papy à la TV :
https://www.dailymotion.com/video/x1jt46m
Facebook :
https://www.facebook.com/people/Jean-Paul-Brobeck/100077446132442/
Instragram
https://www.instagram.com
YouTube
https://www.youtube.com/channel/UC5Ntaw4v4nqPPbefbLKLuqA
Livres :
https://trucapapy.com/papy-jipe-publie-des-livres/
https://trucapapy.com/les-histoires-de-mon-patelin
https://trucapapy.com/papy-publie-son-14-livre/
https://trucapapy.com/papy-publie-ses-15-et-16-livres/
Audiovisuels :
https://www.youtube.com/channel/UC5Ntaw4v4nqPPbefbLKLuqA
https://studio.youtube.com/channel/UCe13PLpL_6ctK9umvLAUleA/videos
Papy à la TV :
https://www.dailymotion.com/video/x1jt46m
Fédération Photographique de France
https://federation-photo.fr/2024/01/14/jean-paul-brobeck/
Views: 76