ROTI DE PORC CUIT FACON JAMBON BLANC

Préparer soi-même du jambon est faisable sans trop de problème, mais voilà, un jambon est une pièce relativement volumineuse, si bien que l’on se retrouve vite avec une trop grosse quantité de viande.

C’est pour éviter ce genre de souci que  j’ai eu l’idée de partir d’un morceau de viande de porc destiné à être rôti. Je me suis dit qu’en utilisant les mêmes techniques que celles mises en œuvre pour la préparation du jambon, on obtiendrait peut-être des résultats intéressants.

J’ai fait des essais systématiques dont je vous livre ci-dessous les résultats.

La méthode :

– la viande doit être salée.
– la viande doit être cuite dans un liquide.
Il s’agit donc du mode de cuisson POCHER.

Ingrédients :

Dans ce genre de recette, on ne peut donner un grammage.
Tout dépend de la quantité de rôti que vous voulez cuire.
Remarquez qu’il est souvent plus rentable d’en préparer plusieurs à la fois.
Je ne peux donc que vous indiquer des proportions.
A vous, de les adapter aux quantités sur lesquelles vous allez travailler.

Première étape : la préparation de la viande.

Vous allez donc acheter de la viande initialement destinée à faire un rôti de porc.
Cette viande  est le plus souvent ficelée et entourée d’une barde de lard.
Vous pouvez laisser ou enlever la barde dès le départ, ou ne l’enlever qu’après la cuisson.
Vous choisirez également la viande selon vos goûts.
Une viande légèrement persillée sera in fine, plus goûteuse qu’une viande maigre.
Mais les goûts et les couleurs ….ainsi que les impératifs de santé…

Deuxième étape : le salage :

Cette viande doit impérativement être salée.

Le salage a un double dut :

–  un but de conservation : le sel contrecarre le développement des microbes.
–  un but gustatif : le sel est l’exhausteur de goût le moins cher.

Pas fous les rois de France qui ont mis un impôt sur le sel dont personne ne peut se passer : la gabelle.
Aujourd’hui, on fait mieux : on taxe l’essence et le diesel.

Parlons maintenant de la quantité de sel.

Pour conserver, il faut saler fortement.

La méthode de conservation par le sel qui était largement utilisée, il y a encore quelques années, a fait place à la conservation par le froid démocratisée depuis l’invention de congélateurs familiaux.

En conséquence, les doses de sel ont beaucoup diminué, ce qui est plutôt positif pour la santé des consommateurs.
On est passé de 180 g  de sel par litre de saumure,  à 20 g de sel par litre actuellement.

Les gens ont pris conscience que le sel est devenu un ennemi à combattre.
Dans les rayons de charcuterie des grandes surfaces, les fabricants rivalisent pour proposer des produits de moins en moins salés.

COMMENT SALER ?

Il existe deux méthodes :

A) le salage à sec.

Il suffit de poser votre viande dans un récipient sur une première couche de sel.
Ensuite, vous remettez du sel.

Explications technologiques :

Le sel se trouve donc à l’extérieur de la viande.
La viande quant à elle, est humide. (en moyenne 70 % d’eau.)

Au niveau technologique, on dit que nous sommes en présence de 2 milieux qui diffèrent par leur concentration.
Il se déclenche alors un phénomène appelé osmose qui va essayer d’ équilibrer les deux milieux.
Celui qui est le plus salé va s’enrichir en eau.
Celui qui est le moins salé va s’enrichir en sel.
Un peu comme des enfants qui jouent à la balançoire sur une planche.

Scientifiquement, c’est l’eau qui va bouger.

Elle va quitter le mieux le plus riche en eau pour migrer vers le milieu le moins riche en eau.
L’équilibre se sera jamais vraiment atteint.
Le phénomène d’osmose se déroule régulièrement dans notre corps pour un tas de réactions vitales.

B) le salage par saumurage.

Dans cette technique, on plonge la viande non pas dans du sel mais dans une solution salée appelée la saumure.

On peut également accélerer le salage  en injectant la saumure directement dans la viande, soit à l’aide d’un système spécialement inventé pour cette opération et utilisé par le artisans, soit en utilisant une simple seringue.
Mais attention car les aiguilles se bouchent.

On trouve actuellement des seringues un peu plus performantes qui possèdent des aiguilles percées de trous non pas au bout dans le sens de la pointe (qui risque de se boucher) mais des trous disposés latéralement. Voir photos

Quel sel faut-il utiliser ?

Avec cette question, nous allons soulever une question qui a fait, et qui fera encore couler beaucoup d’encre.

Le sel le plus simple et le moins cher est le gros sel.

Depuis que les gens sont devenus un peu plus riches, on leur rabat les oreilles en chantant les louanges d’une alimentation de luxe.
Le sel ordinaire est donc remplacé par du sel qui possède un pedigree.
Il est tout à fait possible de saler avec du sel de Guérande, du sel de l’Himalaya etc…

On peut, à condition d’avoir les moyens, utiliser de sels plus rares donc plus chers encore.
Mais gardons les pieds sur terre.
Rappelez-vous : le rôle du sel est de permettre une conservation et de donner du goût.
Nous avons vu que le rôle de conservateur a été remplacé par une conservation par le froid.
Reste donc le rôle gustatif.
Êtes-vous vraiment capables de faire la différence entre des sels de différentes origines ?

Ne vaudrai-il pas mieux jouer une autre carte en essayant de parfumer votre sel avec de produits aromatiques genre baies de genièvres, coriandres, fines herbes etc…

Un sel particulier : le sel nitrité.

Je ne sais qui a remarqué un jour, qu’un sel (le fameux salpêtre) possédait la propriété particulière de garder aux viandes leur couleur rose et de ne pas prendre une couleur grise lors de la cuisson.

Toujours est-il, que le salpêtre a connu ses heures de gloire, avant de tomber en désuétude parce qu’il serait mauvais pour la santé.
On a fini par interdire le salpêtre et lui trouver un remplaçant : le sel nitrité.

Comme toujours, on assiste à des oppositions entre partisans et détracteurs.
Les uns déclarent qu’il n’y a aucun risque ; les autres affublent le sel nitrité de tous les maux et jouant surtout sur les mots qui font peur : tout particulièrement les relations entre sel nitrité et le cancer.

Je pense qu’il convient de garder les pieds sur terre en fois de plus.
On ne mange des produits de charcuterie qu’occasionnellement.
D’un autre côté, si les clients ont été séduits par la couleur rose de leur viande, c’est que cela correspond à une certaine attente de leur part.

Personnellement, j’utilise du sel nitrité, mais je respecte les dosages préconisés.

Comment bien utiliser le sel ?

Avant de répondre à la question « comment », commençons par parler du dosage.

Après plusieurs années de pratique (une bagatelle de 40 ans), j’ai décidé de saler par saumurage.

Ma saumure est réglée à 20 grammes de sel par litre de saumure. Voir donnée physiologiques) ICI

Je commence donc par faire bouillir de l’eau que je parfume avec une garniture aromatique oignon, ail, thym, laurier, baies de genièvre, poivre, piment, gingembre…ect

Je rajoute ensuite le sel à raison de 20 g par litre d’eau.

Il faut impérativement laisser refroidir le mélange, avant de procéder à l’injection.

En gros, on injection « jusqu’à plus soif » c’est-à-dire, que la viande ne peut plus rien absorber.
Cela se situe autour de 15 à 20 %.
De toute façon la saumure en excédant va s’écouler.

Il faut ensuite laisser reposer dans le froid pendant un minimum de 24 heures, mais sans exagération non plus. On peut attendre plus longtemps, mais ce n’est pas nécessaire.

On laisse ensuite égoutter l’excédant avant de commencer la cuisson.

Cuisson en mode : POCHER.

Nous allons cuire notre rôti de la même façon que l’on cuit le jambon blanc c’est-à-dire dans un liquide aromatisé.

Nous avons donc besoin d’un récipient  de taille correspondante.
Inutile de chauffer 10 litres d’eau pour un petit rôti, mais attention aux récipients trop petits aussi.

Dans le récipient :

– de l’eau.
– du sel à raison de 20g/litre d’eau

– une garniture aromatique.
– quelques rondelles de carottes qui vont servir d’exhausteur de goût.
– pourquoi pas un peu de porto, si vous voulez donner ce goût à votre préparation.
– vous pouvez également rajouter quelques baies de genièvre.

L’industrie a le choix entre une multitude de produits qui permettent de donner le goût que l’on veut.
Il existe même un produit qui donne le goût de fumée sans que la viande n’ait jamais vu le moindre fumoir.

Départ chaud ou départ froid ?

Bonne question merci de me l’avoir posée.
Voyons du côté de la technologie.

La cuisson est une élévation de la température.
Elle peut se faire rapidement ou lentement selon la vitesse désirée.

Vitesse rapide : assimilable à un départ à chaud.

L’eau va rapidement monter en température.
Elle va donc provoquer la coagulation des protides.
La viande va se «  refermer » et emprisonner tous ses sucs.
C’est une bonne chose, mais de cette façon, nous ne pouvons enrichir notre viande des saveurs de la garniture aromatique.

Vitesse lentement assimilable à un départ à froid.

Nous allons régler notre source de chaleur sur lent.
La cuisson va donc provoquer une élévation lente de la température.
La viande va perdre une partie de ses saveurs.
On pourrait croire que les saveurs de la garniture aromatique vont en profiter pour l’enrichir, mais comme la vitesse est lente, cette garniture ne cuira que très lentement et ne jouera pas son rôle.

Alors comment faire ?

Le « truc » consiste à cuire en deux temps.

1)
On fait bouillir l’eau avec la garniture aromatique départ à froid pour que cette garniture donne toutes ses saveurs. L’eau va donc se charger des odeurs, sucs et saveurs.

2)
On laisse refroidir… et l’on ajoute la viande quand l’eau de cuisson est redevenue froide ou du moins tiède.

Gagnants sur tous les points.

En démarrant la cuisson à froid, la viande va relâcher des sucs, mais ils seront remplacés par les goûts, parfums et saveurs de l’eau de cuisson.
La cuisson doit se faire très lentement.
Le milieu de cuisson ne doit jamais bouillir.

L’idéal reste l’utilisation d’un thermomètre à cuisson.

– l’eau de cuisson doit se trouver aux environs de 80° C

Quand faut-il arrêter la cuisson ?

Là aussi, nous entrons dans un sujet qui fait débat.

Voici les données technologiques :

– plus vous cuisez le jambon, plus il se conservera.
– mais plus vous cuisez le jambon, plus il deviendra dur.

Il convient donc de faire des choix :

– si votre jambon est destiné à être mangé rapidement arrêtez la cuisson à 64°C à cœur.
– si vous voulez le conserver plus longtemps allez jusqu’à 75°C.
– si vous préparez plusieurs rôtis dont certains vont être congelés arrêtez à 64°C

Surtout ne sortez pas directement vos jambons après cuisson.
– coupez la source de chaleur et laissez refroidir le rôti jambon dans l’eau de cuisson.

Mais attention !

Comme le rôti va donc rester plus longtemps, j’arrête la source de chaleur dès que mon jambon atteint 60°C à cœur. Il continue à prendre quelques degrés même si la chaleur est coupée.

ATTENTION encore un PIEGE !

J’ai été interpellé par plusieurs personnes qui ont connu des déboires.
Elles n’ont pas fait d’erreur dans la méthode de travail.
C’est leur thermomètre qui leur a joué des tours.

Un thermomètre est un appareil plus ou moins précis.
Il est donc prudent de savoir si votre thermomètre est précis.

Plongez votre thermomètre dans le l’eau bouillante… il devrait indiquer 100 °C
S’il indique une autre valeur, il peut y avoir deux raisons

– soit votre thermomètre fait une erreur.
– soit vous travaillez dans un endroit qui sort des conditions de l’étalonnage courante

Explications :

En montagne, l’eau bout avant 100°C.
Je pense que les gens qui vont cuire leur jambon sur le Mont Blanc ne courent pas les rues, mais je connais des artisans qui travaillent dans des villages  à 2000 m d’altitude.

Ne vous croyez pas à l’abri avec les sondes électroniques.
Un petit contrôle de la précision ne coûte pas cher.

COMMENTAIRES DU CHEF :

Ce qui me plaît tout particulièrement dans la cuisine, c’est que l’on peut explorer tous les aspects de ce que l’on appelle les métiers de la bouche.

Chaque spécialité possède ses techniques, et ses tours de main.
Pourtant, malgré la diversité des techniques, elles reposent toutes sur des bases technologiques solides.
Comprendre ces bases est à mon avis la chose essentielle
Je ne cesse de répéter que de savoir le pourquoi est de loin plus important que de savoir le comment.

Le pourquoi appartient à la matière.
Le comment appartient à l’homme.

La matière possède ses propriétés, ses exigences, ses spécificités.
Un morceau de viande n’est pas qu’un simple morceau de viande.

L’Homme, celui qui va essayer de le transformer doit avant tout :

– le comprendre
– le respecter
– essayer de le transcender : c’est à dire en tirer le meilleur.

Les « pourquoi » sont presque immuables
Les « comment » varient avec le temps et les possibilités techniques toujours en évolution.

La technique dont je viens de vous parler, n’est qu’une simple amorce.
Elle débouche sur d’infinies possibilités, d’infinies applications.

C’est là, que l’Homme retrouve sa véritable place.
C’est là que s’ouvre le monde de la créativité.

Mais n’oubliez pas, à la base de tout, il y a le respect de la matière.

afin que, comme le disent les compagnons

de ne pas gâcher du matériau.

Le vrai bonheur est de triompher des difficultés.
Illsutrations photographiques © Papy Jipé

Avertissements :
Je ne présente que les photographies des phases importantes

Phase de salage par saumurage.
La saumure est injectée dans la viande

Gros plan sur la seringue utilisée pour l’injection.
Remarquez le trou situé latéralement.


En réalité l’aiguille possède deux trous latéraux.

 

Après avoir été injectée, la viande est posée dans de la saumure.

 

 

La sonde doit aller jusqu’au coeur. On évalue la longueur à enfoncer.

 

 

On enfonce la sonde thermique.

 

La sonde est en place


On mesure aussi la température du milieu de cuisson.
Il doit être réglé à 80°c max

 

 

La sonde tehrmique mesure la température à coeur
Ici 6°C en début de cuisson.

 

 

Le rôti est termine.
Remarquez sa couleur rose

 

Laissez refroidir le rôti dans l’eau de cuisson garantit une viande juteuse.

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