Pour l’enfant, l’adulte a été longtemps la principale source de connaissances.
Les enfants avaient les yeux tournés vers leurs parents et les membres de leur famille.
Les disciples avaient leurs regards tournés vers leur maître.
La transmission des connaissances a longtemps été essentiellement orale ou simplement manuelle.
Seule une rare élite savait lire et écrire.
Un certain nombre d’individus de haut rang (Charlemagne) étaient conscients que la transmission des connaissances ne devait pas se limiter à quelques rares élus.
L’idéal était de permettre à chaque individu de développer ses dons propres.
Quand on essaie d’analyser le fait pédagogique, c’est-à-dire le pourquoi de la nécessité de transmissions des connaissances, il devient très difficile de faire abstraction d’un certain nombre de phénomènes perturbants.
La transmission des connaissances d’une génération à l’autre a pour but de former les jeunes de telle façon à ce qu’ils puissent s’intégrer harmonieusement dans la société afin de pouvoir prendre à leur tour le relais.
Action indispensable, vitale même, car en cas de rupture de cette chaîne de transmission, c’est tout l’avenir de l’ensemble de la société qui est en jeu.
Il semble logique qu’une société ait avant tout le souci de sa pérennité.
On ne va donc pas former des jeunes qui risquent de mettre en danger la survie du système.
Un tel système d’éducation est basé sur l’idée que l’on se fait d’un enfant bien élevé.
Tout se passe comme si on définissait un moule dans lequel il faudrait faire entrer ceux qu’il convient de former. Mais forcer à entrer dans une conformité préétablie, c’est également amputer l’enfant de tout ce qui n’est pas « conforme » donc lui faire perdre son originalité.
Une telle démarche laisse de profondes cicatrices qui risquent de créer un schisme avec soi-même, souvent vers le milieu de la vie : la crise de la quarantaine, lorsque l’on ne se reconnaît plus de l’être que l’on nous a obligé à devenir.
Mais voilà, il convient également de tenir compte de toutes les réflexions philosophiques et non seulement de celles qui nous semblent logiques, « normales » et qui vont dans le sens de nos pensées.
Or, les études du comportement de l’enfant, de sa psychologie… ont démontré sans ambiguïté, que le mot le plus important que prononce un enfant est le mot « NON. »
Cette négation, ce refus n’est en définitive que l’affirmation de SOI par rapport aux AUTRES. Par cette négation, le jeune définit les limites de son identité.
Si les jeunes adoptent sans réserve, les valeurs des anciens, le cercle se referme ;
le serpent se mord la queue, la société tourne en rond.
Seule la négation permet de mettre en doute.
Et ce doute devient un véritable moteur.
Ce doute sert en premier lieu à la vérification.
Cette vérification peut déboucher positivement ou négativement.
Dans le cas positif (le jeune admet) cela peut déboucher sur ce que les psychologues désignent par une obéissance tardive.
Mais, ce qui est plus intéressant encore, c’est la réponse négative.
Cette négation peut à son tour conduire le jeune à imaginer des solutions nouvelles, donc conduire à la créativité et à l’innovation.
L’enfant qui naît n’est pas une page blanche, n’en déplaise aux poètes et aux rêveurs.
L’enfant qui naît est un enfant de son temps, de son lieu, un enfant qui reçoit en héritage tout ce que lui ont laissé les générations précédentes.
Comme nous l’avons déjà souligné, cet héritage se transmet avant tout oralement ; d’autre part, il se transmet aussi par l’exemple.
L’écriture, c’est-à-dire la transcription des connaissances, n’est que d’invention récente.
Et l’histoire tourne de plus en plus vite.
L’école obligatoire pour tous remonte à 1880, avec les lois de Jules Ferry pour les civilisations occidentales. Elle n’est pas encore effective au niveau planétaire.
L’informatique a constitué une formidable accélération.
Les connaissances enfermées dans des milliers de livres de nos bibliothèques deviennent de plus en plus facilement accessibles.
L’adulte a perdu son monopole.
Peut-être, convient-il de reconsidérer son rôle.
L’adulte ne détient plus les connaissances à lui seul.
Les enfants peuvent dorénavant accéder aux connaissances via leurs ordinateurs, et force est de constater qu’ils sont plus à l’aise que les adultes dans ce domaine.
Cette masse d’information désormais disponible doit être classée, vérifiée, mise en relation les unes avec les autres.
Et nous retrouvons une version moderne de la dialectique entre la tête bien pleine et la tête bien faite.
Être adulte, c’est avoir vécu, et la vie est un ensemble d’expériences réussies ou ratées qui vous enrichissent en vous laissant ce que l’on appelle l’expérience.
Le rôle de l’adulte devient un rôle de guide.
L’enfant n’attend pas l’adulte pour apprendre à marcher.
Il en est de même pour le cheminement vers les connaissances.
Montaigne disait :
« il faut faire trotter son élève devant soi, pour juger de son pas. »
Car l’enfant croule littéralement sous la diversité des connaissances, la multitude des informations.
Il est tôt ou tard obligé de faire ses propres choix pour se constituer.
Pour choisir son chemin, nous avons besoin d’un guide.
C’est là, me semble-t-il, une nouvelle définition du rôle des adultes.
APPRENDRE :
Apprendre :
« Acquérir un certain nombre de connaissances relatives à une technique, un sujet, un domaine afin de les intégrer à son savoir. »
Apprendre :
« Présenter un sujet, une technique, une idée à un être en « apprentissage » de façon à lui faciliter l’accès et la compréhension. »
Je crois qu’on y trouve les définitions du système de transmission avec la double responsabilité de l’apprenant et du transmetteur.
Je ne peux pas résister au plaisir de partager avec vous une image.
Elle évoque l’initiation.
Voilà un être qui veut apprendre à faire du vélo.
Il monte sur la bicyclette.
Si rien ne se passe, il tombe : simple conséquence des lois de la gravité.
L’adulte à côté de lui décide alors de lui donner une poussée initiale.
Notre cycliste commence à rouler tant bien que mal.
S’il ne se met pas à pédaler, il finira par tomber.
Cette image a plusieurs vertus.
Elle démontre bien que seule la coopération entre l’adulte et l’enfant peut conduire à la réussite.
Elle démontre aussi que, quelles que soient les qualités de celui qui sait, il doit apprendre à transmettre.
Elle démontre que la poussée initiale ne peut suffire en elle-même.
Il faut à tout prix que l’apprenant participe à sa propre formation.
Les échecs font partie intégrante de l’apprentissage.
Il convient de les faire constater, analyser, exploiter.
L’adulte ne doit pas seulement susciter l’intérêt, mais il doit régulièrement l’entretenir.
Il doit également régulièrement informer « l’apprenant » de ses progrès et conduire celui-ci à devenir capable d’émettre un jugement sur ses propres prestations.
Mais l’histoire de notre cycliste nous apprend aussi qu’il y a un âge pour tout.
Un adage dit :
– avant l’heure, ce n’est pas l’heure.
– après l’heure, ce n’est plus l’heure.
Quand on veut envoyer une fusée dans l’espace, il faut attendre le bon moment. On dit qu’il faut attendre « fenêtre de tir. » Cette fenêtre correspond au moment où tous les paramètres de la réussite sont réunis.
Il en est de même avec le phénomène d’apprentissage.
Trop tôt : l’enfant risque d’être confronté à des difficultés insurmontables pour lui.
Trop tard : l’apprenant rencontrera d’autres difficultés.
IMPLICATIONS PÉDAGOGIQUES
Avant de décoller, un avion fait un point fixe.
Pour l’étude de tout nouveau sujet, nouveau produit, nouvelle technique devra obligatoirement commencer par une mise au point des connaissances.
Exemple :
« Nous allons parler des poireaux.
Que savez-vous des poireaux ? »
L’apprenant cherchera dans ses connaissances.
Il interrogera sa mémoire, son entourage.
Il consultera son ordinateur.
Au besoin, l’adulte le guidera par un questionnaire.
On fera le point
Vrai ou faux ?
C’est là, le vrai début de l’apprentissage.
Mais, c’est également là, un point à partir duquel on pourra juger le chemin parcouru.
L’apprenant doit être l’acteur de son apprentissage
Celui qui sait doit avant tout garder la vue d’ensemble et devenir le guide.
Apprendre demande un effort plus ou moins important adapté aux dons de l’apprenant.
Mais l’effort doit être récompensé, afin de maintenir l’intérêt initial et de valoriser l’élève
Les différents apprentissages sont sanctionnés par des diplômes qui ne sont réellement que des étapes, car l’apprentissage ne finit jamais.
Obtenir son permis de conduire, c’est obtenir le droit d’apprendre à conduire.
Il en est de même pour les examens professionnels.
Obtenir un CAP (Certificat d’aptitude Professionnelle), c’est connaître les rudiments qui vous permettent et obligent à continuer votre formation afin d’acquérir l’expérience.
Chaque fois que l’on parle de choses sérieuses, le petit diable qui sommeille au fond de moi, ne peut s’empêcher de réagir afin que je ne me prenne pas trop au sérieux.
Le petit diable me suggère une autre formulation
L’expérience c’est quand on a fait suffisamment de bêtises pour qu’il n’en reste plus à faire.
Ce qui en clair veut dire qu’on n’a jamais fini d’apprendre.
NB :
Les propos ci-dessus s’appliquent également à l’apprentissage du métier d’enseignant.
Je préfère d’ailleurs remplacer « enseignant » par éducateur ou mieux « conducteur vers l’âge adulte. »
Il me semble qu’apprentissage professionnel, et formation de l’Homme vont de pair. Nous retrouvons les fameux savoir-faire et savoir-être, ce qui me fait penser avec nostalgie au « compagnonnage » école de formation des Hommes.
J’ai appris mon métier d’enseignant dans une structure appelée École Normale.
La création de cette structure remonte aux années 1870.
L’épithète « normal » signifiant ici ce qui doit servir de règle et de modèle.
Mais les écoles Normales ont été supprimées par le ministère de l’éducation nationale, en 1989.
Après vingt ans d’enseignement, j’ai éprouvé le besoin de changer de spécialité.
J’ai choisi de passer dans l’enseignement technique :
– professeur de cuisine
– professeur de photographie dans une prestigieuse École supérieure de journalisme.
Quand deux passions deviennent des professions, n’est-ce pas déjà le bonheur.
C’est peut-être la raison qui me pousse, malgré mes 80 ans, à continuer de transmettre avec autant de plaisir.
Ma méthode est très simple
Phase N°1
– intéresser
– faire réussir en éliminant les grosses difficultés.
Phase N°2
– quand les apprenants commencent à se sentir surs ( voire trop surs)
– je lance « les peaux de bananes »
– je les confronte avec les difficultés
C’est à ce moment-là que je reconnais ceux qui valent la peine que je m’investisse vraiment pour eux.
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