L’heure, c’est l’heure !

L’heure, c’est l’heure.

 J’aimerais quand même comprendre. Voilà quelques jours déjà que des mots trottent dans ma tête. J’entends régulièrement :
“l’heure, c’est l’heure.”

Je ne sais pas comment ces mots se sont imposés. Toujours est-il, qu’ils reviennent sans cesse, me guettant au détour d’une pensée.

« L’heure, c’est l’heure. » Ces mots ne sont peut-être pas tout à fait anodins. Leur insistance est certainement révélatrice de pensées profondes, au départ inconscientes, et qui viennent montrer le bout de leur nez.

« L’heure c’est l’heure ». Il est vrai que ces mots font partie de mon éducation. « L’exactitude est la politesse des rois. » Encore des mots qui ont jalonné ma jeunesse. Ma mère avait pris soin de m’inculquer les rudiments du savoir-vivre. A l’époque, il m’arrivait de me révolter. Faire toute une histoire pour cinq minutes de retard ! Que représentent cinq minutes, quand on a toute la vie devant soi ?

Et puis un jour, je me suis réveillé adulte. Je dois bien constater que j’ai horreur d’attendre, horreur de perdre inutilement mon temps, et si je n’essaie pas de resquiller quand je suis dans une file d’attente, c’est par politesse. Non, je n’aime pas attendre, et je n’aime pas me faire attendre non plus. Quand je suis invité, il m’arrive souvent d’être un peu en avance. Alors je reste dans ma voiture, ou je me promène pour sonner à l’heure juste.
Je vous l’ai dit : »l’heure, c’est l’heure. »

 Il me semble que les gens sont loin de partager tous mon avis. Ici, on parle du quart d’heure dunkerquois pour justifier un retard que l’on veut poli. Là-bas, il en va de même. Seule l’appellation change.

Je vous l’ai dit : « je n’aime pas attendre » et je me suis même brouillé avec des amis. Le couple en question arrivait avec un bon deux heures de retard et, pour arranger les choses, mettait une demi-heure à s’imputer mutuellement la faute.
J’ai réglé l’affaire en servant des soufflés, enfin ce qui en restait.

« L’heure, c’est l’heure. » Mais comme toujours, il faut savoir faire la part des choses. Quand je bricole sur mon échelle, j’aime bien finir le travail entrepris. A un quart d’heure près ! Alors, je dois affronter le regard fâché de ma mère. Il est vrai que pour elle, je suis resté un enfant malgré ma cinquantaine bien sonnée. Il paraîtrait que maman salive à heure fixe et que tout écart à l’horaire serait sanctionné par des difficultés de digestion.

 Il en va de même pour toutes les choses de la vie. Il y a l’heure pour se lever, celle pour faire les courses, celle du déjeuner et celle du repas du soir. Et, si le film télévisé ne respecte pas l’heure d’aller se coucher, on se passera de la fin.

Ce qui est vrai pour les horaires journaliers, l’est également pour l’attribution des jours de la semaine. Il y a le jour de la lessive, celui des courses au marché, le jour où le sert du poisson et tous les autres tellement prédestinés que le moindre imprévu fait figure de grain de sable qui vient entraver le bon fonctionnement de la machine. J’en suis arrivé à me demander s’il n’y a pas là une forme de bonheur à vivre ainsi dans une sorte de sécurité peut-être trompeuse.

Comme toujours, quand je suis trop préoccupé par un problème, je finis par en rêver. L’autre jour, j’ai fait un cauchemar. J’ai vu la grande faucheuse dans son costume noir.

Elle disait : « l’heure, c’est l’heure »

J’avais beau la supplier !

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