Introduction :
Les réalisations en pâte feuilletée sont nombreuses. Elles ont toutes un point commun : la structure en feuilles superposées.
Cette structure en nombreuses couches leur confère une texture particulièrement croustillante.
Un peu de technologie :
Comment obtenir un empilement de couches successives ?
Première solution de fabrication : la superposition.
C’est une question de pure logique.
Si vous voulez obtenir un empilement de feuilles de papier, posez des feuilles les unes sur les autres.
Evident non ?
Il en va exactement de même pour la pâte feuilletée.
Si vous posez des morceaux de pâte les uns sur les autres, vous obtiendrez une structure en feuilles.
C’est tellement logique que… cela ne fonctionne pas.
Pourquoi ?
La réponse est encore une fois très simple.
Les morceaux de pâte posés les uns sur les autres, vont finir par se coller et la structure en feuilles bien séparées va disparaître. Pourtant, vous noterez quand même une légère modification de la texture.
Une solution :
Pour éviter que les morceaux de pâte ne collent les uns aux autres, il suffit de les isoler, de les séparer par une couche d’un produit bien sur comestible et qui en même temps sert de séparation.
Un tel produit existe : un corps gras.
Quel corps gras ?
– ceux qui sont solides à température ambiante : beurre, margarine, saindoux,
– ceux qui sont liquides à température ambiante : les huiles.
La pâte feuilletée : comment ça marche ?
Nous allons essayer de comprendre le « mystère » de la pâte feuilletée, en analysant les deux phases :
la fabrication et la cuisson.
La fabrication :
Il convient tout d’abord de réaliser une pâte composée de farine, de sel, et d’eau.
Cette première pâte est appelée « détrempe ».
Composition :
Farine + eau, dans la proportion :
eau = ½ poids de la farine :
donc 1 kg de farine + 500 g d’eau. (pincée de sel)
Après travail, la détrempe devra reposer pour perdre son élasticité.
On passera ensuite à la superposition des couches.
La détrempe sera donc abaissée finement.
On empile :
– une couche de détrempe.
– une couche d’huile.
– une couche de détrempe etc..etc…
Quand vous aurez atteint le nombre de couches désirées, votre pâte devra encore reposer avant d’être utilisée.
La cuisson :
Que se passe-t-il pendant la cuisson ?
Au fur et à mesure que la température augmente, l’eau de la détrempe commencera à se dilater et à chercher à s’échapper.
En se dilatant, elle augmente de volume et rencontrera donc la couche d’huile juste au-dessus.
Cette couche fera barrage (matière grasse et eau ne se mélangent pas) à la vapeur d’eau.
Résultat :
– la pression augmente
– la couche sera poussée vers le haut.
Voilà ce qui explique pourquoi la pâte feuilletée « monte ».
Mais attention, rien à voir avec les pâtes renfermant de la levure : organisme vivant qui se développe en se multipliant.
En s’évaporant, l’eau laisse un vide, d’où l’apparition de la structure en feuilles séparées.
Tout se passe bien sûr à très petite échelle.
Vous venez de réaliser une pâte feuilletée à l’ancienne : je dirais même à « la méthode très ancienne »
car les Grecs et les Arabes utilisaient déjà cette méthode.
Surviennent les croisades, qui sont en réalité une rencontre entre les deux civilisations orientale et occidentale.
On confronte les connaissances, on échange, on s’enrichit mutuellement.
Et c’est ainsi que la méthode de réalisation de la pâte feuilletée arriva en Europe.
Les artisans de l’époque adaptèrent la méthode aux produits qu’ils avaient coutume d’utiliser.
C’est ainsi que le beurre prit la place de l’huile dans la pâte feuilletée.
(civilisation du beurre au Nord et civilisation de l’huile olive dans le Sud)
Deuxième méthode de fabrication de la pâte feuilletée : le pliage.
Autre innovation : un jour, un artisan eut l’idée de remplacer l’empilement des couches par des pliages successifs de la pâte.
C’est ainsi qu’est née la méthode de fabrication que nous utilisons actuellement.
On réalise donc la détrempe.
On l’abaisse après repos.
On pose une couche de beurre (ou autre matière grasse)
On enferme le beurre en le recouvrant de détrempe.
On obtient donc 3 couches.
on abaisse la pâte, puis on la plie en 3.
Cette opération sera faite 6 fois de suite et s’appelle le « tourage ».
On dit aussi « donner 6 tours » à la pâte feuilletée.
Un peu de mathématiques pour s’amuser.
Nous allons essayer de compter le nombre de couches.
Au départ, nous avons :
1 couche de détrempe.
1 couche de beurre.
1 couche de détrempe.
soit au total 3 couches.
1° tour :
On abaisse
On plie en 3.
On a donc : 3 + 3 + 3 soit 9 couches.
2° tour :
On abaisse la couche composée de 9 couches
on plie en 3
soit = 9 + 9 + 9 soit 27 couches.
3° tour… 27 + 27 + 27 soit 81 couches.
4° tour … 81 + 81 + 81 soit 243 couches.
5° tour… 243 + 243 + 243 soit 729 couches.
6° tour… 729 +729 + 729 soit 2187 couches.
En s'évaporant, l'eau contenue dans la couche de détrempe disparaît et donne naissance à une feuille.(farine)
Ceci n’est bien sûr qu’un calcul théorique, car quand 2 couches de détrempe se touchent, elles n’en font plus qu’une seule.
Vous voyez bien que la méthode par pliage (tourage) permet d‘obtenir rapidement un très grand nombre de feuilles et que l’expression « mille feuille(s) » n’est pas usurpée.
De combien "monte" une couche à la cuisson ?
Partons d’une pâte feuilletée qui compte théoriquement 1000 feuilles.
Si chaque couche monte de 1 mm, nous aurons donc 1000 mm soit 1 m ! Le four va exploser.
Essayons 0.1 mm.
Nous aurons donc : 1000 x 0.1= 100 mm soit 10 cm !
C’est encore beaucoup trop.
Vous voyez donc que chaque couche ne « monte » que très peu, mais cela suffit à créer la structure feuilletée qui caractérise la pâte feuilletée.
Réflexions autour de la pâte feuilletée.
Il y a encore quelques années, la fabrication de la pâte feuilletée faisait partie intégrante de la formation non seulement des pâtissiers, mais également des cuisiniers.
La pâte feuilletée faisait partie des pâtes de base qu’il fallait savoir réaliser.
Notons au passage quelques points particuliers.
La fabrication de la pâte feuilletée au beurre est délicate, car le beurre a tendance à fondre rapidement.
Il ne joue donc plus son rôle d'isolant.
On choisit de préférence du beurre des Charentes qui résiste mieux à la température.
En pâtisserie, on travaille sur des tables spéciales appelées « marbres » qui sont réfrigérés.
La margarine possède un point de fusion plus élevé.
Le feuilletage à la margarine est donc plus facile à réaliser que celui au beurre.
La pâte feuilletée peut être réalisée à partir d’une détrempe simple (farine + eau), mais cette détrempe peut également être enrichie en levure. (de boulanger)
Ce genre de pâte « levée et feuilletée » permet la réalisation de ce que l’on désigne par le mot « viennoiseries » croissants, pains au chocolat…
Faut-il préparer sa pâte feuilletée soi-même ?
La réponse à cette question n’est pas facile, car tout dépend du point de vue sous lequel on aborde l’analyse.
Au niveau strictement économique, je ne sais pas si la fabrication de la pâte feuilletée est rentable.
Il faut à la fois un personnel qualifié, du matériel et beaucoup de temps.
C’est avant tout une question de prix de revient.
Si on se place au niveau de la qualité gustative, il est vrai qu’une pâte feuilletée artisanale peut avoir plus de personnalité qu’une pâte industrielle, et ce, surtout si elle est faite au beurre.
Mais il faut accepter de payer le prix.
Enfin, si on se place au point de vue du plaisir, du savoir-faire, il va de soi qu’une pâte feuilletée réalisée manuellement peut devenir source de satisfaction.
Les industriels de l’alimentation ne sont pas des philanthropes.
Ils cherchent les créneaux rentables.
Le secteur de la fabrication des pâtes correspond à un réel besoin de la clientèle, qu’elle soit professionnelle ou ménagère.
L'industrie agro-alimentaire propose de bonnes pâtes feuilletées surgelées à la taille des plaques à pâtisseries normalisées.
Nb :
Si vous avez envie d’essayer de préparer vous-mêmes la pâte feuilletée, je vous conseille de ne pas cumuler les difficultés en utilisant du beurre.
Il est préférable de faire des essais avec de la margarine spéciale feuilletage.
Rapprochez-vous de votre pâtissier car on ne la trouve pas facilement.
Un grand classique : vol au vent ou bouchée à la reine.
sans oublier la très classique galette feuilletée.
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