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PIMENT D’ESPELETTE ET GASTRONOMIE FRANÇAISE.

Consacrer une série d'articles au Piment d’Espelette est une chose relativement aisée dès qu’il s’agit, soit de parler de l’histoire du piment, soit de sa culture.
Les choses commencent à sérieusement se compliquer quand on aborde le sujet de la place du Piment d’Espelette dans la cuisine française et la gastronomie en général.
On passe d'un monde du mesurable à celui des appréciations, des ressentis, de la sensibilité individuelle.

Pour commencer quelques réflexions d’ordre général.

L’évolution de la cuisine me fait penser à une horloge du type pendule qui oscille entre le tic et le tac, entre le simple et le compliqué, entre le naturel et le besoin de vouloir le transformer.

Il y a bien longtemps, les choses étaient bien plus simples :
On mangeait parce que l’on avait faim.
Nul besoin de s’embarrasser à faire des préparations compliquées.

Monsieur Cro-Magnon posait le steak de dinosaure sur la table, Madame Cro-Magnon sortait le pot de moutarde ( à l’ancienne ma Chérie) et on y allait de bon appétit !

C’était vrai aussi longtemps que les gens mangeaient parce qu’ils avaient faim.
Mais, vous le savez bien, les choses finissent toujours par déraper.
Un jour donc, Madame Cro-Magnon passa devant un miroir et poussa un grand cri.
Chéri ! T’as vu ma silhouette. J’ai encore pris des kilogrammes. Je ne me vois pas avec une silhouette pareille sur la plage dans 15 jours !

Et voilà, c’est ainsi que l’on  inventa le régime, dans le double but de faire perdre du poids au profit de ceux dont le porte monnaie prenait plaisir à gonfler.

C’est à partir de ce moment-là que l’on commença à faire des chichis, à surveiller ses calories, à inventer les gaines qui retiennent le bide…et les soutiens gorge push up qui font croire à des choses qui n’existent que dans l’imagination.

Le monde moderne était né.

Toujours est-il que pour redevenir sérieux, on commença non plus à manger directement de la bête à l’Homme (ancêtre de la démarche producteur/consommateur)
 mais à préparer, à enrichir, à flatter les palets et les palais…
On partit donc à la recherche de tout ce que l’on peut ajouter pour donner du goût.
L’expression «  garniture aromatique » date certainement de cette époque.
 

On utilisa tout d’abord le sel, puis des plantes qui piquent, qui donnent un goût acide…
Le goût sucré était particulièrement en vogue.

Et comme les rois de France étaient des petits malins, ils inventèrent un truc infaillible : un impôt sur le sel.
Et comme personne ne pouvait plus s’en passer : par ici la monnaie !
Y’a bon !
( Non ! on n’avait pas encore inventé le Banania.)

Le problème qui se posait à l’époque était très simple.
On mangeait aussi longtemps que l’on avait faim.
Oui, mais après ?
Il fallait bien conserver les restes pour les jours de disette.

Alors, on se mit à réfléchir.
On sala, on poivra, on marina, on fuma, on boucana enfin toutes ces «  combines » qui permettent de conserver.
Et elles sont toujours d’actualité…

 

A cette époque, les épices avaient le vent en poupe.
On les vendait très cher ou point même que  l’on payait  non pas avec sa carte bleue ( pas encore inventée) mais, on pouvait directement payer en poivre, en muscade etc…
Autrement dit : on payait en épices ce qui a donné l’expression payer en espèce.

On ne payait pas encore en liquide, car il aurait fallu inventer les bouteilles vides.

Voici donc, un résumé humoristico-historique qui vous explique que le moine qui apporta le Piment à Espelette gravit rapidement les échelons du hit parade.

Sauf qu'Espelette, ce n’est pas bien grand et nos amis qui s’étaient mis en tête de lancer une AOC durent d’abord faire connaître leur produit.

UN COUP DE CHANCE.

Comme je vous l’ai dit, en début de cet article, la cuisine oscille entre le compliqué et le naturel.
Cela faisait des années que l’on se compliquait la vie à faire des viandes à l’essence de… au jus de…
Une nouvelle génération de cuisiniers prit le pouvoir sur les cuisines et nos estomac.

Leurs devises :

– respecter le goût des aliments.
– exalter leur goût en trouvant des associations nouvelles.
– servir moins, mais manger mieux.
– se préoccuper de savoir non pas si le client à bien mangé, mais s’il se sentait bien après le repas.

Voilà pourquoi je me suis permis de parler d’un coup de chance.
Les uns proposent justement ce que les autres recherchent.
Youpi !

Il faut avouer que l’introduction d’un nouveau produit ne se fait pas sans mal.
Nous traînons nos sacrées habitudes alimentaires, autre manière d’évoquer la mémoire de nos estomacs.
Alors, il n’y a pas de milliers de solutions :

– On peut annoncer clairement que le nouveau produit est réservé aux gens de goût
– qu’il faut une certaine culture pour apprécier ce produit etc

Enfin toutes ces combines qui sont toujours d’actualité.
Quoi, vous n’avez pas de volant chauffant ?

La conjonction entre les chercheurs (cuisiniers) et les offreurs (producteurs) a fait que lentement, le piment d’Espelette s’est rendu quasiment indispensable.
C’est à cette époque-là, que date ma formation de cuisinier et, comme je l’ai entreprise sur le tard, vous le savez tous, les vocations tardives sont les plus violentes.
Je « fréquente » donc le piment d’Espelette depuis les années 1980.

LE PIMENT d’ESPELETTE 


je ne me risquerais pas à décrire les sensations que fait naître le piment d’Espelette tout simplement parce que je pense qu’il existe des gens qui le font mieux que moi.
Chaque année, quand arrive le Beaujolais nouveau, on prévient les gens :
Cette année il sent la banane
Et les gens lui trouvent un goût de banane.
Je trouve que cela est le genre de télécommande dont un devrait se passer.

A chacun de goûter, d’aimer ou de ne pas aimer.
Je me cantonne volontairement au minimum.

Le piment d’Espelette n’est pas agressif. Il est progressif.
Il ne vous arrache pas la bouche, mais il apparaît graduellement.

Le piment d’Espelette est chaud et sa chaleur apparaît dans la douceur.

Le piment d’Espelette a une persistance de durée moyenne. Il vous laisse un arrière goût.

POURQUOI DU PIMENT D’ESPELETTE ?

Je pense qu’il est tout à fait inutile de dresser la liste des plats dans lesquels le piment d’Espelette apporte ses notes.
Il convient à chacun de former son goût en dehors de toute pression médiatique.

Un grand chef ne doit pas imposer il doit faire découvrir, initier est le mot juste.

Je ne vous parlerai donc que de quelques associations que je teste régulièrement.

Piment d’Espelette et lait de noix de coco.

C’est une association que j’utilise régulièrement :
– julienne de légumes étuvées au beurre
– lait de noix de coco.
– accompagne noix de Saint Jacques ; gambas, crevettes, lotte etc..
Le piment d’Espelette est ajouté en finale pour ne pas perdre ses vertus.

Piment d’Espelette et crème fraîche
dans une blanquette de veau, une blanquette de lotte etc…

Piment d’Espelette et chocolat
dans une mouse de chocolat

Piment d’Espelette et sorbet de pastèque.
C ‘est par hasard que nous avons découvert mon épouse et moi, cette association.
Elle fonctionne très bien autant sur un sorbet que sur une salade de fruits bien fraîche

CONSERVER LE PIMENT D’ESPELETTE.

Quand je suis descendu dans le Pays Basque j’ai découvert un piment d’Espelette d’un goût merveilleux.
Il s’avère que le piment d’Espelette et très sensible à la lumière et à la chaleur.
Il doit être consommé de préférence dans l’année de sa production.
La meilleure façon de le conserver est de le mettre au froid dans un récipient opaque ou sous vide.
J’ai également trouvé une solution qui consiste à le fabriquer à partir des «  cordes de piments » quand on en a besoin et de ne pas le stocker inutilement.

Merci à tous ceux qui ont accepté de me documenter.
Il convient également de remercier la confrérie du piment d’Espelette qui veille à la qualité du produit.
Des dégustations régulières sont faites par des juges qui attribuent l’ACO gage du produit de qualité.

 

Illustrations photographiques © Papy Jipé

La corde de piment d'Espelette


 

Le piment vendu en poudre


Le piment d'Espelette vendu en confiture

Le piment d'Espelette endu en caviar

Le piment d'Espelette vendu en gelée


Une tradition séchage du piment sur les façades

 

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