Là-bas, la place du marché est bordée de marronniers. Il y en a avec des fleurs blanches et d’autres qui veulent sortir de l’ordinaire en se pavanant de fleurs rouges. Faut vous dire que les marronniers font partie intégrante de mon enfance.
Dans mon quartier, il y avait plein de marronniers qui nous fournissaient tout un arsenal de choses indispensables.
A printemps, tout de suite après la floraison, ce sont les tout petits marrons semblables à des mini oursins qui nous servaient de munition. En été, nous nous reposions à l’ombre des gros arbres ; mais nous attendions avec un mélange de joie et d’appréhension les premiers marrons.
Un marron qui éclate sur une écorce vernie, bonjour l’automne ; bonjour aussi la rentrée, le nouveau maître. Nous faisions provisions de marrons. Les plus sages bricolaient de petits bonshommes avec des marrons et des allumettes. Les plus vindicatifs bombardaient les passants avec des marrons et leur lance-pierre
Voilà les marronniers de mon enfance. Et puis un jour, un ingénieur décida que les marrons étaient bien trop dangereux. Faut vous dire qu’il avait négligemment garé sa voiture et qu’un marron un peu plus hardi que les autres était venu lui faire une bosse dans le capot.
On ne se moque pas des ingénieurs !Les marronniers furent rasés. On planta d’autres essences d’arbres notamment des tilleuls qui vous salissent les voitures avec le miel qui tombe de leurs fleurs. On a beau faire, chaque médaille a son revers.
Mais revenons en aux marronniers de la place du marché. Les bourgeons avaient éclaté il y a quelques jours et les fleurs étaient apparues.
Avez-vous pensé que le marronnier est un arbre anachronique qui allume ses bougies au printemps !
Mais les fleurs des marronniers annoncent un autre plaisir : les premières asperges.
Oh ! elles viennent de loin, d’Espagne et même de plus loin encore. Alors les marchands alignaient les bottes bien en vuz.
Vous avez vu leur prix !
Non, à ce prix-là, on va encore attendre un peu !
Et les jours passent. Les asperges deviennent de plus en plus nombreuses et les prix commencent à baisser.
Et cela dure le temps de quelques semaines, le temps d’une parenthèse car voici déjà le 21juin avec sa fête de la Saint Jean d’été.
C’est à cette date que le paysan soucieux de protéger sa plantation récolte les dernières asperges.
Aujourd’hui, on trouve de tout à n’importe quelle époque. On déguste du raisin à Noël alors qu’on le regarde avec dédain quand il est en pleine maturité.
Le sage attend que le fruit soit mûr pour le cueillir à la force de son âge, quand le jus vous dégouline le long de vos doigts. Une année passe trop vite. Elle nous conduit de parenthèses en parenthèses et c’est là un grand secret : profiter pleinement de chaque parenthèse.
Alors je vous souhaite de savoir en profiter et je conjure le sort car je vous donne rendez-vous à l’année prochaine quand ce sera le retour de la saison des asperges.
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