ANECDOTE ESCALOPE SCHNITZEL PANEE

Ce jour-là, le restaurant du lycée avait été réservé par un groupe de 50 personnes.
C’étaient des anciens qui, faisant une promenade en autobus, avaient réservé pour faire un entre-acte gastronomique.

Un bon déjeuner contribue à la réussite d’une excursion, au moins autant qu’une météo favorable ; c’est pourquoi les anciens avaient pris la précaution de téléphoner en même temps au lycée et à la grenouille météorologique de service.

Au menu : un repas sur mesure :

– salade de fruits de mer, sauce Samouraï
– escalope de veau panée, façon Wiener Schnitzel.
– biscuit Forêt-Noire.

Bien pensé, me direz-vous. Ce menu permettait, en l’espace de quelques heures, à nos anciens d’effectuer un voyage international qui les transportait de la mer à la montagne.

Je connaissais le groupe, du moins le couple responsable, car nous nous étions souvent concertés pour établir les repas de leurs sorties.
Madame rêvait aux repas de sa jeunesse, quand la viande était tendre à souhait, et qu’elle avait encore bon goût. Quant à Monsieur, la seule idée d’être entouré des serveuses, roses en bouton, valait toutes les escalopes du monde, panées ou pas.

Il était donc 10 heures, et fort de mes expériences avec les groupes du troisième âge qui viennent toujours en peu à l’avance, j’ai donné un ordre par pure précaution :

« – Vous allez paner les escalopes et les poser sur des grilles. De cette façon, il n’y aura plus qu’à les cuire à la minute. »

Mes marmitons s’activèrent et les escalopes, dûment panées, eurent le temps de prendre le frais dans la chambre froide.

Les anciens arrivèrent avec 20 minutes d’avance. J’allais dire : comme prévu.

Les serveurs eurent juste le temps de terminer leur salade de fruits de mer. On ne peut plus frais : non ?

L’apéritif fut accueilli avec des applaudissements d’autant plus qu’il fut servi par de jolies serveuses qui mirent (si j’ose dire) les messieurs en appétit. Que voulez-vous, il existe des gens qui restent jeunes, du moins dans leur tête.

Le service commença à midi pile.
J’étais au « passe », coiffé de ma toque blanche. Devant moi, le tableau sur lequel j’épinglais les billets des commandes des serveurs.

Nombreux sont ceux qui ignorent qu’il existe un véritable rituel qui régit les relations entre la salle et la cuisine.

Un serveur se présente :

– Chef : j’annonce.

Table N°5 :  4 personnes

– 4 salades de fruits de mer

– pour suivre : 4 escalopes panées avec garniture.

Le tout est codé, comme le morse : des points et des traits.
C’est le respect de ces règles élémentaires qui est à la base d’un service réussi.

Mais, ce jour-là, François le professeur de salle et moi, nous avions décidé de nous amuser aux dépends d’un cuistot qui commençait à se prendre trop au sérieux. En français correct : il commençait à nous gonfler.

Voici donc les faits :

Nathalie, une serveuse particulièrement appétissante, avait été mise dans la confidence.

Elle arriva :

– Chef j’annonce :
– table 4 – 6 personnes
– 6 salades de fruits de mer
– 5 escalopes panées
– 1 escalope nature.

Je distribuais le travail :

Germain, tu prends la table 4.
– oui chef, mais il y a un problème,
– lequel ?
– l’escalope nature,
– pourquoi ?
– mais, toutes les escalopes ont été panées,
– et alors où est le problème ? Tu n’as qu’à aller chercher la dépanneuse à escalope.

Le repas fut une réussite. Il se termina par un autre rituel, car les anciens ont appris à apprécier les petits gestes que l’on fait pour les rendre heureux ?

Le dessert terminé, une rumeur s’éleva du restaurant :
« Le chef, on veut voir le chef ! »

Et comme à chacune de leur visite, je fus obligé de faire le tour de la salle en grande tenue de cuisinier dûment coiffé de sa toque. Mais, ce jour-là laissa un souvenir particulier, quand je leur ai raconté le coup de la dépanneuse à escalopes qui fit rire les messieurs et donna envie aux dames de me donner un bisou.

Un chef non pas embarrassé,
mais, embrassé.

Photo empruntée à internet
pas le temps d’aller à Vienne

 

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