2020 UNE ANNEE A TOMATES

2020 entrera dans les annales ; ça c’est sûr.
Déjà, rien qu’à cause du virus.
Moi, je vous le dis,  celui-là nous n’avons pas fini d’en parler.
Et encore, si nous pouvions nous contenter d’en parler.
C’est bien plus grave, mais le plus grave dans l’affaire ce sont les gens, enfin disons, qu’une bonne partie des gens n’a rien compris ou alors, ne veut rien comprendre.

Certains se comportent comme si le virus n’existait pas.
De fait, pour ces gens-là, le virus n’existe que s’ils sont touchés eux-mêmes ou un membre de leur famille.
Et encore !
Lors d’une interview récente, j’ai cru rêver.
On avait tendu le micro à un jeune :

«  ben oui, que le virus est dangereux.
Vous vous rendez compte, il a même fauché ma grand-mère.
Quand nous sommes allés à l’enterrement personne ne pouvait nier son existence.
Le virus était bien là, mais que voulez vous, quelques jours après, nous avions déjà oublié. »

Et on fait tout pour que les gens oublient.

Un soir de TV.
Les coupures publicitaires sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus longues aussi.
Vous croyez pouvoir leur échapper en changeant de chaîne.
Que nenni !
On a programmé la pub sur les différentes chaînes au même moment.
Et c’est  ainsi que l’on vous fait manger le X° Burger qu’il soit d’une marque ou d’une autre. La haute gastronomie franco américaine !

On vous propose des voitures à tire-larigot.
Pas de diesel ; c’est fini cette folie-là
Non des voitures à essence, car maintenant l’essence ne pollue plus, avant oui, maintenant c’est fini.
Des voitures hybrides, connectées qui non seulement vous indiquent la route la plus courte, mais qui vous proposent de vous réserver une table dans le restaurant le plus chic.

Et les voitures électriques.
N’oubliez pas les voitures électriques.
Elles atteignent des autonomies phénoménales : plus de 600 km.
Sauf bien sûr qu’il faut les charger et c’est là, que l’on s’aperçoit qu’il y a un petit problème quand on habite au 8° étage d’une résidence collective.

C’est juste l’histoire de la charrue devant les bœufs.
Achetez d’abord et puis on vous dira comment les charger ensuite.
Et puis après tout, ce n’est plus le problème des vendeurs.
Profitez des avantages : vous ne paierez qu’en 2021 à condition bien sûr de ne pas être mort. Mais alors ce n’est plus votre problème non plus, mais celui de vos descendants.

Ce qu’il y a de bien avec ce virus, c’est qu’il s’attaque surtout aux vieux.
Pas normal toute cette partie de la population qui touche sans travailler.
Ils ont déjà une maison et ne paient donc pas de loyer, plus de gosses donc pas de frais

Je trouve cela vraiment injuste et immoral : profitez pendant que nous on bosse comme des malades, enfin à condition de ne pas être au chômage.

Moi, je trouve qu’un virus qui s’attaque aux vieux ce n’est que justice et puis de cette façon, le problème des retraites sera réglé sans que personne ne puisse être tenu pour responsable.
On dira : c’est la faute au virus et à pas de chance.

Dire qu’un si petit truc comme un virus, invisible à l’œil nu, puisse avoir de telles conséquences.
Les gens se rendent compte qu’ils peuvent travailler chez eux sans avoir à se déplacer pendant des heures.
Et les patrons en profitent : plus besoin de cantine, de restaurant et tout le reste. Un virus c’est économique.

D’ailleurs soyez francs, il y a toujours des gens qui savent profiter de toutes les situations.
Prenez le coup des masques.
Tout d’abord il faudrait savoir si oui ou non, il faut porter un masque.
Les gens prudents vous diront qu’il vaut mieux prendre toutes les précautions possibles.
Mais, ce n’est pas facile de se promener déguisés en Zorro.

Et le  masque, il faut le changer régulièrement.
Alors, sous des dehors philanthropiques, il y a ceux qui se sont frottés les mains flairant la bonne aubaine.
On a vu un tas d’entreprises se lancer dans la fabrication des masques.
C’est certainement parti d’un bon sentiment, mais l’histoire est encore meilleure quand on entend sonner les écus au fond de son porte-monnaie.

La télévision s’est faite le porte-parole de tous ceux qui par métier, étaient obligés de fréquenter le virus de très près.
C’est à longueur de journée que l’on pouvait suivre le développement de la pandémie.

Sur la  carte de la France régions et départements prennent des couleurs avertissant les endroits à ne pas fréquenter. Le problème prit même des dimensions internationales au grand damne des agences de voyages qui durent baisser leur rideau.

L’inconscience d’une grande part de la population obligea le gouvernement à recourir à des mesures radicales et les Français se retrouvèrent confinés.

Mais là aussi, il convient d’être attentifs, car il y a le confinement de luxe avec jardin et piscine privative, et le confinement, disons, moins riche où l’on entasse papa, maman, et tous les enfants dans quelques mètres carrés d’un appartement d’un bloc austère dans un quartier défavorisé.

Alors, les gens se mirent à réagir.
Je dirais presque « enfin ».

On prit d’abord conscience des manques de notre système de santé.
Cela fait des années déjà que les gestionnaires parlent plus fort que les médecins, alors on fermait des lits, et comme cela ne suffisait pas, on fermait carrément des hôpitaux.
Oh !  On trouvait toujours de bonnes excuses.
Mais le petit virus est si costaud qu’il eut vite fait de contaminer à tel point que l’on sortit les derniers lits déjà remisés.
L’armée fut même appelée au secours
Le petit virus s’en moqua et continua son expansion mortelle.

La pandémie mit également en exergue d’une part tous les laboratoires qui se consacrent à la recherche fondamentale et les difficultés du passage de la science pure à l’application.
Certains chercheurs se  transformèrent en gourous prônant leur méthode unique et véritable, pendant que d’autres personnages politiques et non des moindres, se firent les chantres de l’eau de javel en injection.

Le monde se divisa en deux parties :
– les pays qui décidèrent d’affecter tous leurs moyens à la lutte contre de virus
– les pays qui décidèrent de ne rien faire en attendant que cela se passe.

L’Europe verrouilla ses frontières prouvant par là même, la fragilité de ses institutions.
Cinémas, théâtres et salles de concerts fermèrent leurs portes ainsi que les endroits de culte, églises, temples etc.
Les religions furent les grandes absentes même si le pape célébra dans une solitude angoissante devant une Place Saint Pierre désespérément vide.

Et pourtant :

« Quand on prend des coups sur la tête, toujours au même endroit, cela finit pas faire mal et on se réveille »
Cette phrase aurait pu être l’une de mon père.
C’était un homme sans instruction. Né en 1910, il n’avait jamais fréquenté l’école et quand il donnait l’illusion de lire le journal, il ne regardait en réalité que les images.

Papa avait coutume de dire :

Il faudrait que les gens prennent de temps en temps un bon coup sur la tête pour que cela les réveille et qu’ils se rendent compte que finalement, ils ne sont pas si malheureux.

Sagesse d’un non philosophe mais qui avait appris à vivre à grands coups de pieds dans le derrière que lui avait assignés la vie.

Qui sait ? Le petit virus n’est peut-être qu’une tentative de réveil ?

Oui, il y eut quelques réactions

Pendant quelques jours, les gens se mirent aux fenêtres  à 20 h pile pour applaudir ou faire un tintamarre afin d’encourager les soignants.

Dans certains quartiers, on découvrit brusquement que les appartements étaient occupés par des personnes comme nous.
Alors, on accepta de faire les courses de la petite grand-mère qui vit sur le même pallier.

Une bande de jeunes, d’un quartier gravement défavorisé se lança dans une opération spectaculaire. Ils récupèrent les invendus de certains magasins ou de certains marchés pour organiser des distributions aux plus démunis.

Il  y eut comme cela quelques actions qui permirent à certains de prendre conscience de leur nature humaine.

Mais chaque médaille a son revers.
Pour certains, le confinement a été jugé carrément inacceptable.
Comment peut-on oser enfermer des gens et les priver de leur liberté ?
Deux mois de confinement : une éternité.
Il faut effacer au plus vite le souvenir de cette période funeste
La solution : les vacances.

Alors commença la ruée
La ruée vers les plages.
Il n’y en a pas tellement.
Méditerranée ou Atlantique.
Et sur la plage, vous n’allez quand même pas mettre un masque ?
Les vacances : un air de liberté.
Comment aller en vacances si les restaurants sont fermés.
Comment vivre les soirées si les boîtes de nuit n’ouvrent pas.
Vous vous voyez danser avec un masque, draguer avec un masque ?

Une véritable ruée, vers les vacances ou une ruée vers l’or ?.

Et puis vint l’heure du retour.
Chaque rapporta quelques souvenirs, une boîte en coquillages pour mémé, une boule qui neige quand on la secoue et pour les moins riches, ils se contentèrent de rapporter quelques petits virus.

Et la seconde couche est là, prête à monter à l’assaut.
Il est temps de reprendre une vie normale.
Les enfants doivent retourner à l’école, mais les conditions d’accueil restent à définir.

Quand on étudie l’histoire des Hommes à travers les millénaires, on se rend compte que rares sont les siècles sans « histoires » dans le sens de troubles.

Tout le monde a entendu parler des grandes épidémies qui ont décimé les populations.
Le mot «  peste » à lui seul, suffit à faire peur. Il y a également eu le choléra, la grippe espagnole et plus récemment la fièvre d’Ebola, …
J’en passe et des meilleures.

Mais il y a mieux encore.

Il y eut des rares périodes pendant lesquelles la nature se montra un peu moins agressive alors les hommes en profitèrent pour prendre la relève.
Ils organisèrent alors des « guéguerres » qui de siècles en siècles prirent de l’importance jusqu’à atteindre un stade quasi industriel, et l’histoire ne peut fermer les yeux sur ces millions de cadavres qui jonchent le sol.
L’histoire s’écrit malheureusement en lettre de sang.

Le petit virus n’est en réalité qu’une suite logique.
Les savants (les vrais) craignent depuis longtemps «  que le ciel nous tombe sur la tête. »
Ils prédisent depuis des années déjà, et chaque année quand revient la grippe saisonnière «  qu’un jour cela finira mal, le tout est de savoir quand. »
Élever des volailles juste à côté des élevages de porcs est une bombe qui ne demande qu’à exploser.

Qui sait, chacun regarde avec ses yeux, c’est à dire chacun peut comprendre comme il veut.
Le petit virus n’est peut-être qu’un prophète.
Les prophètes étaient ceux qui se sentaient investis. Peu importe si leur mission était de nature divine ou pas.
Les prophètes étaient les empêcheurs de tourner en rond.
Ils venaient agiter sous notre nez la clochette pour nous avertir que si nous continuons ainsi…cela finira mal.

Et les petits virus étaient déjà là, dans leur coin, et ils rigolaient en attendait leur heure.

2020 entrera dans les annales, comme le dit le début de cet article.

Il convient, comme je l’ai dit de rester conscients, prudents, respectueux, tous des mots qui sont souvent absents de notre vocabulaire.

Alors pour moi, 2020 sera une année où les tomates ont particulièrement réussi

et quand je mange une salade de tomates de mon jardin cela ne m’empêche pas de penser à tout le reste.

Mais je préfère ne pas trop penser, car mes tomates risquent de perdre leur goût de bonheur.