Ad vitam, æternam

A côté de ses activités de professeur de cuisine, Papy aime également jouer avec les mots, les taquiner, raconter des histoires. 
Il en est à plus de 10 livres.

Ad vitam, æternam

 

Dans la vie, les gens sont catalogués. On leur colle une étiquette, et puis on les range dans des tiroirs, ou sur des étagères, comme les livres d’une bibliothèque.

Il fut un temps où ce sont des scribes qui passaient leur vie à noircir des tonnes de registres. Maintenant, nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle de l’informatique.
Ce sont des ordinateurs, des disques durs qui se goinfrent de données. Quand on réfléchit, notre vie n’est plus qu’une suite de 0 et de 1 du langage binaire.

Qu’un ordinaire fasse une mauvaise digestion, qu’il rote sans le faire exprès, et voilà un bug ! Une simple erreur dans une suite de chiffres et vous risquez de perdre votre identité.
Non ! Je n’exagère pas. Je n’en vais vous le prouver. L’histoire est véridique.

Un matin, en prenant connaissance des courriels de la nuit, j’apprends que je suis mort.

On aurait au moins pu avoir la politesse de m’avertir autrement que par un lien dans ma messagerie.

Je clique donc et je tombe sur une annonce mise en ligne par une entreprise de pompes funèbres.
Tout y était : le nom, prénom, date de naissance.
Je ne vous dis pas le « coup de pompe ! »

Le faire-part comportait un chapitre :  condoléances

C’est là, que j’ai vu (et je ne vous raconte pas de salade)

«  C’est avec une grande tristesse que j’ai appris le décès de mon ami Jean-Paul.
Il a été pendant de nombreuses années président d’un club de modélistes. J’ai beaucoup appris en travaillant avec lui, car Jean-Paul aimait partager ses connaissances. »

Les mots que vous venez de lire sont, me semble-t-il, écrits en langue française,

Mais, comme le défunt que je suis devenu, était avant tout alsacien, je vous propose de les traduire.

Lisez donc, en redonnant la parole à l’auteur de l’hommage funèbre :

«  j’ai longtemps été membre du club dont Jean-Paul était président.
Il est vrai qu’il « en connaissait un rayon » et j’ai essayé de lui « piquer » tous les petits trucs et astuces. J’ai même réussi à prendre sa place de président, le jour où il a commencé à être fatigué et déçu de donner à fonds perdu. »

Cette seconde version restera réservée aux initiés, je préfère m’en tenir à la première qui me donne le beau rôle.

Étant très honoré par l’hommage de cet « ami sincère (?) », et ayant la preuve formelle que je suis encore de ce monde, je me suis permis de lui envoyer un petit message :

« Mon cher ami, notre monde se caractérise par des progrès techniques fulgurants et inimaginables. Ces techniques vont au-delà de nos espérances les plus folles. Rends-toi compte qu’actuellement nos ordinateurs sont capables, non seulement de transmettre des messages à la vitesse de la lumière, d’un continent à un autre, mais également d’un monde à l’autre. Je veux bien sûr parler du monde des vivants et de l’autre celui de ceux qui se la coulent douce éternellement.
J’ai lu, la larme à l’œil, ton hommage sincère et véridique qui aurait certainement pu m’aller droit au cœur, mais comme je suis décédé, comme tu le sais, je suis dégagé de tous mes problèmes de plomberie qui pourrissent le vie des gens qui vivent dans ton monde.
Le paradis est le nec plus ultra, une véritable suite d’hôtels qui ont tellement d’étoiles qu’ils finissent par éclairer la voûte céleste de tes nuits. Le grand barbu qui officie comme patron est un type des plus charmants. Je le rencontre régulièrement et vu que ton message m’a réellement touché, je ne manquerais pas de lui murmurer à l’oreille que ta fidélité, tes sollicitudes, ton respect, et ton amour de l’autre sont autant d’atouts qui te désignent comme candidat à une place de choix parmi nous.
Le patron m’a d’ailleurs répondu avec un petit sourire.

« Je l’attends avec impatience »

Voilà, mon cher Jacques M, tu le sais bien. Je suis homme à ne pas oublier tout le bien que l’on me fait. On ne pourra jamais dire que je suis, ou mieux, que j’étais un ingrat.
La porte est grande ouverte, nous t’attendons ! »

Le message a été dûment posté et transmis à la vitesse de l’éclair.
Omis soit ceux qui oseraient médire des progrès et des possibilités fabuleuses de notre temps.

Mais, nous parlions, si je ne m’abuse, de cette fâcheuse habitude de cataloguer les gens.
Quand on apprend que l’un de nous, s’est endormi pour toujours, la première question est souvent :

« il était quoi ? » :  médecin, ramoneur, charcutier, fouteur de rien, enfin je veux dire homme d’affaire….

Dites-moi plutôt, s’il était gentil ou méchant, s’il savait prêter l’oreille et tendre la main, s’il acceptait de s’arrêter pour dépanner celui qui devait changer une roue crevée ?

Mais je ne vais pas terminer mon histoire sur un point d’interrogation.
Il est facile de laisser aux lecteurs le soin de trouver une fin, quand l’auteur manque d’imagination.

Venez, je vous tends la main pour vous emmener dans un des petits cimetières qui gardent les moutons autour de certaines églises en Autriche.

C’est, par un pur hasard, que j’ai poussé un jour, la porte d’un de ces lieux de mémoire.

On ne devrait pas rire dans un cimetière, pas même sourire ; oh que non !
Mais, je me demande si vous seriez capables de vous retenir en lisant certaines épitaphes du genre :

– « Ici repose un boulanger dont le kilogramme ne faisait que rarement 1000 g. »

– « Ici repose un homme dont la fidélité n’était pas le point fort Il prétend être le père de quatre enfants, et de combien d’autres ? »

De quoi être catalogués, au moins pour l’Éternité.

 

Livres :
https://trucapapy.com/papy-jipe-publie-des-livres/

https://trucapapy.com/les-histoires-de-mon-patelin-2/

Audiovisuels :
https://www.youtube.com/channel/UC5Ntaw4v4nqPPbefbLKLuqA

https://studio.youtube.com/channel/UCe13PLpL_6ctK9umvLAUleA/videos

Papy à la TV :

https://www.dailymotion.com/video/x1jt46m

 

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