ANECDOTE : CHARLES A RETROUVE LE SAURIR.

Quoi !
C’est quoi c’t affaire-là ?
Commencer un texte avec une faute d’orthographe.
Pour un ancien de l’Education Nationale, ce n’est vraiment pas fort !

De quoi je me mèle ?
Une faute d’orthographe.
Moi ! Une faute.
Tu veux rire, j’espère
Après 37,5 années.
Mais, c’est comme ça, quand on est ignare, quand on juge trop vite.
Alor,s attendez la suite, avant de juger…

Je m’en vais vous raconter l’histoire de Charles.

Charles était camionneur, chauffer routier si vous voulez.
Il conduisait de gros « bahuts » sur de longues distances.

Un jour, nous avons discuté.
Tu vois, me disait-il, le plus difficile est de ne pas s’endormir.
Tu es là, derrière ton volant et devant toi le grand ruban gris.
Ce qui est dangereux sur l’autoroute, c’est la monotonie, le ronronnement régulier du moteur.
On dirait une berceuse, alors, sans que tu ne t’en rendes compte, tes paupières deviennent de plus en plus lourdes. Tu finis par t’endormir.

Du moins à mon époque, car maintenant, il y a un peu partout des radars ; alors on les guette, on s’amuse, c’est comme un jeu, et quand tu en aperçois un nouveau, fraîchement installé, tu donnes un coup de CB pour avertir les copains.

A mon époque, il n’y avait pas beaucoup de distractions.
On regardait les voitures qui nous doublaient et quand on apercevait une dame en mini jupe, on la signalait aux copains :

Une Y.L. ( Young Lady) dans la… bleue
C’était quand même plus marrant que les radars.
Non ?

Mais j’avais encore une autre façon de rester éveillé.
Je pensais à mes grands-parents.
Ils étaient de Grand Fort Philippe.
Tout pour « mi », rien pour « ti » qu’on dit dans le coin.
C’est bien connu.
Un peu comme leur hymne national.

Mes grands parents tenaient une saurisserie.
Ils saurissaient à longueur d’année.
Ils étaient contents, ça je peux te le dire.
Et puis un jour, ils sont morts. Normal !

Mes parents n’ont pas voulu se mettre à saurir, alors, la maison est restée est vide.
Les cheminées se sont arrêtées de fumer.
Moi, quand je pense à ce gâchis, j’en perds mon sourire.
Dire que je ne sais même plus saurir.
C’est un comble pour un petit fils de saurisseur.

Charles avait les larmes dans les yeux et la voie plein de sanglots.
J’étais triste de le voir dans cet état.

Que vas-tu faire, maintenant que tu es à la retraite ?
Je vais essayer de remettre en marche la boutique des grands parents.

Mais tu ne sais plus saurir !
Je comptais sur toi qui fume du saumon pour me l’expliquer.

Mais moi, je fume du saumon par des maquereaux.
Peut-être que si tu m’expliquais…

Alors Carles est venu voir mon fumoir.
Nous avons fumé, fumé et au fur et à mesure que nos mains travaillaient, les souvenirs revinrent aussi.
Tel geste lui rappelait celui de son grand père ; tel autre celui de sa grand mère.

Il me quitta, j’oserai presque dire heureux.

Quelques semaines plus tard, Charles me téléphona.
Je viens te rendre ta politesse.
Je t’attends à Grand Fort Philippe.

Alors il me fit faire le tour du propriétaire.
Il me montra les échelles à poissons, les feux dans le bas des cheminées
Il était à son aise dans la fumée et l’odeur forte des maquereaux.

Alors quand je vous disais que Charles avait retrouvé son saurir.

Le bonheur est parfois tout proche.
A deux lettres près.

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