Le beau mois de mai

Le mois de mai.

 

Cette année, les clochettes des muguets sont au rendez-vous pour sonner à la volée, l’avènement du mois de mai.

Pas étonnant du tout, avec un mois d’avril qui a été particulièrement ensoleillé. Et pas seulement ensoleillé jusqu’au bout des branches, non ! Le mois d’avril a été  tout guilleret : il a joué  l’été avant l’heure.

On s’habitue vite à tout ce qui nous rend heureux, et les gens se sont rués dans les jardineries toutes contentes de voir arriver les premiers clients. Alors, c’est par caddies entiers que l’on a vendu pâquerettes, primevères et autres fleurs qui sont venues égayer les jardins.

Une année qui commence bien !
Et les jardiniers se mirent à bouger comme une armée de fourmis sous les regards des arbres fruitiers qui, pour ne pas être en reste, se mirent à fleurir à qui mieux mieux.

Imaginez le rêve !

Un ciel bleu, une neige de pétales blancs ; dans les prés des pissenlits qui brillent comme des soleils, une douceur qui vient vous caresser la peau et des parfums qui vous font tourner la tête.

Le bonheur a toujours un petit côté grisant.
On se laisse aller.
On est enivré.
On va de l’avant.
On oublie l’hiver et ses jours gris.

Mais le beau rêve a pris fin brutalement.

Un matin, la campagne s’est réveillée en dentelles blanches : le givre.
Profitant de ce que la lune jouait à faire le phare, tout là haut, dans le ciel, sans le moindre nuage, l’hiver était revenu à pas de loup, et, en quelques heures, il a pris un malin plaisir à se venger.

Là-bas, sur l’abricotier, la promesse d’une riche récolte fut anéantie. Ils avaient déjà une belle taille mes abricots, comme des billes que je vous dis. Maintenant, ils sont devenus mous ; ils flétrissent et tombent au pied du tronc, assassinés en pleine jeunesse.

Les fraises de mon voisin ont un cœur noir. Elles portent le deuil des espoirs perdus.
En une nuit, en quelques heures, l’hiver est revenu en force et à l’horizon du côté Ouest, les Vosges ont vite remis leur capuchon de neige blanche.

Il y a même des gens qui invoquent les Saints de Glace.

Saint Mamert le 11 mai.
Saint Pancrace le 12 mai.
Saint Servais le 13 mai.

 

Dictons :
 

  • « Saints Mamert, Pancrace et Servais sont toujours des saints de glace. »
  • « Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace. »
  • « Saints Pancrace, Servais et Boniface apportent souvent la glace. »
  • « Avant Saint-Servais, point d'été ; après Saint-Servais, plus de gelée. »

 

Des Saints de glace au mois d’avril !
Vous n’y pensez pas.
Mais la nature se moque des dictons.
On pourrait même prétendre avec un sourire, que cette année, le mois de mai a été particulièrement précoce !

D’ailleurs, qui croit encore aux Saints de glace ?
Grand-père qui avait le bon sens paysan, déclarait à qui veut l’entendre :

«  avec leur bombe atomique, « ils » ont tout détraqué »

 

Au point que les Saints de glace, je parle des vrais, ont été remisés et le calendrier a été, disons « adapté »

Dans notre calendrier actuel, ces saints ont été remplacés :

Saint Mamert, célébré le 11 mai, remplacé par Sainte Estelle
Saint Pancrace, célébré le 12 mai, remplacé par Saint Achille.
Saint Servais, célébré le 13 mai, remplacé par Sainte Rolande.

Moi, je m’en tiens à une constatation tout à fait locale. Chez nous, en Alsace, les Saints de glace finissent par la sainte Sophie :

 « d’kàlta Sophie » la Sophie froide avec un petit clin d’œil coquin car « kàlta » signifie aussi « frigide » 
Quand je vous disais que les alsaciens sont facétieux ! Elle tombe sur le 25 mai.

Je suis le digne petit fils de mon grand père,  du moins je l’espère.
Il ne m’a pas laissé de gros héritage, mais j’ai les pieds bien sur terre et le bon sens semble couler dans mes veines.

Je dirais donc :

Les Saints de Glace sont comme les partis politiques, ils agissent par surprise et quand cela ne va plus, on change de nom et on recommence…avec les mêmes.

 

Ainsi va le monde.
Ainsi va la vie.
Jours de soleil et jours de pluie
Ciel bleu et la mort qui vient à pas de loup, la nuit.

N’être sûr de rien.
Et rester constamment sur ses gardes.
Savoir de chaque instant recueillir les plus petits bonheurs.
Savoir attendre que les choses se fassent.
Savoir attendre que vienne le temps.
Laissez du temps au temps.
Et savourer pleinement les plus petits des instants.

Allez, même la lune rousse finira elle aussi par se coucher.
 

Je vous souhaite un joyeux mois de mai.

 

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