L’armoire de l’oncle Joseph

Là-bas, dans le grenier, il y a la vieille armoire de l’oncle Joseph.
Depuis qu’il a fermé les yeux, au printemps dernier, l’armoire a pris une importance particulière.

Oh ! ce n’est pas qu’elle soit belle, ni même pratique, mais elle cache, derrière son unique porte, tout ce qui reste d’un être aimé. Alors chaque fois que je monte au grenier, je m’arrête devant l’armoire. Je voudrais bien, mais j’hésite :
allez savoir pourquoi.

 

L’autre jour, ce sont les petites qui m’ont décidé.
Alors, avec des gestes lents, presque religieux, nous avons ouvert la fameuse porte.

Il y avait là, sur les rayons, une multitude d’objets dont chacun racontait une histoire. Un vieux masque à gaz rappelait la folie guerrière. Dans son écrin, une médaille d’honneur du travail témoignait d’une vie de labeur.

Des photographies dormaient dans une boîte en carton.
Il y avait aussi un vieux pot à lait que l’on appelle “Kannala” par chez nous. Cela faisait bien longtemps que l’on ne cherchait plus le lait à la ferme, mais l’oncle avait gardé son “Kannala” et il l’emportait, là-bas, dans la montagne. Il aimait tellement cueillir les myrtilles et les framboises.

“Tu as vu” – lança une petite en désignant cinq paires de chaussures toutes neuves.

“ Pourquoi tonton avait-il acheté tant de chaussures ?”

Comment expliquer à une enfant ?
Comment lui dire la peur inconsciente d’une génération qui a connu deux guerres, qui a tout perdu, deux fois de suite ?

Et puis, nous avons refermé la vieille porte. Je n’ai pas eu le courage de ranger, de jeter.

Une histoire banale. Eh bien non !

L’autre jour, j’ai fait un cauchemar.
Je venais de mourir. Une main avait ouvert la porte de mon armoire et l’on avait trouvé bien rangés sur les rayons, quelques regrets et un grand paquet de petits plaisirs que j’avais gardés, pour plus tard.


On ne sait jamais !