LA HANTISE DE NOËL : UNE VOLAILLE TROP SECHE

Cadrons le sujet :

Dans de nombreuses familles, les volailles constituent traditionnellement l’élément principal du repas de Noël.
Dans nos campagnes, on a toujours élevé des animaux de basse cour.
Notre cher roi Henri, quatrième du nom, a hissé sa poule au pot comme une exigence légitime.
Mais en mangeant sa poule, même de bon appétit, le paysan se privait ipso facto de son producteur d’œufs.
La poule sacrifiée au bien mangé dominical, entraînait la perte irrémédiable de l’œuf quotidien.

On ne sait dans quel esprit fécond germa cette idée nouvelle, mais désormais on élèverait des volailles pour leur seule chair nonobstant le fait que ces gallinacés seraient  dorénavant à « usage unique quoique festif. »

Et l’on vit apparaître dans l’arbre généalogique de cette race :

– des poules de luxe : principalement du côté de la Bresse.
– des dindes : sous produits des invasions espagnoles du nouveau continent
– suivies de près des chapons, j’allais dire cocorico,remarque sans fondement car le coq pour devenir honorable chapon avait du renoncer à une partie de son anatomie.

L’entrée des gallinacés sur la table de Noël s’accompagna parallèlement d’une véritable hantise : ne pas servir une volaille trop sèche.
Cette hantise, peur ancestrale transmise de mères en filles, s’explique par un certain nombre de faits réellement prouvés.

Au départ, tout se passa bien, vu que les éleveurs venaient de passer de leur statut de paysans à celle de reproducteurs.
Ces gens-là avaient encore les pieds sur terre.
Et puis, on n’avait pas encore inventé le cholestérol.
On élevait donc les volailles de cette époque bénie avec beaucoup d’attention surtout tournée vers la production de chairs persillées à souhait et qui conféraient à la défunte volaille, une chair d’une délicatesse et d’un juteux carrément historiques.

Malheureusement, ces jours bénis ne connurent pas d’avenir, car le progrès de la gente humaine passe par l’allongement de la vie. Sus donc au cholestérol assassin.

Mais le cholestérol, n’est pas le seul accusé.
Des mariages contre nature virent le jour, quand un cuisinier ou mieux une cuisinière eut l’idée de bourrer sa dinde avec force marrons : fruits secs par excellence.
Si bien que ces marrons s’empressèrent de siroter avec bonheur les quelques gouttes de jus qui avaient survécu au four en chaleur.

Homme de peu de foi, mais aussi homme de piètre mémoire, car si on avait pris la peine de se tourner vers le passé, on aurait trouvé force recettes datant de l’époque romaine et qui attestent que les romains n’étaient non seulement de «  fines gueules » mais également d’excellents cuisiniers

Le but ultime et déclaré de cet article est donc de montrer comment les romains non seulement savaient construire des routes, mais étaient également experts quand il s’agissait de préparer des repas fastueux.
Il nous restera à transposer la sagesse antique à notre époque

COMMENT ÉVITER QUE LA DINDE DE Noël NE SOIT TROP SÈCHE ?

1° IL FAUT L’ARROSER COPIEUSEMENT

L’étude même attentive des textes anciens ne permet hélas pas de conclure

– s’il convient d’arroser la volaille.
– ou s’il ne vaut pas mieux arroser le cuisinier.

Une réflexion rapide et simpliste permet d’affirmer que l’arrosage ne peut nuire ni à l’un ni à l’autre.
Un tableau illustrant cette remarque a malheureusement été égaré.
Il représentait selon les historiens, non de l’art mais du lard, un cuisinier tenant d’une main une cuiller à manche long avec laquelle il versait régulièrement un peu de jus sur la volaille, pendant que son autre main se versait une rasade d’un breuvage alcoolisé.

Oyez, oyez, gentes dames et damoiseaux !
Si votre volaille point trop sèche ne doit être servie,
Du cuisinier, faites vous un ami.

2° AUTRE TECHNIQUE DÛMENT ÉPROUVÉE : IL FAUT LA BOURRER

Et dans ce cas, croyez en un expert maintes fois réchauffé, les seules bonnes intentions ne suffisent pas.

Mais Dame Nature à vos côtés, nous laisse le choix des ingrédients que vous allez utiliser.

CLAUDIUS RADIUS .

Il est entré dans l’histoire culinaire le jour où il décida de bourrer les volailles avec force figues et autres fruits qui apporteraient à l’animal un côté sucré et juteux.

CASSIUS CUBiTUS

Il habitait la banlieue de « CASSER LA GUEULUM, non loin de Rome à droite en sortant.
Ayant lu les écrits de CLAUDIUS RADIUS et voulant se faire une nouvelle clientèle pour son magasin « ici on trouve tout a 1 « eurus »,il n’éprouva aucune gêne à « pirater « l’ordinateur de CLAUDIUS substituant sans vergogne du fromage frais aux figues du premier.

MAÎTRE APICIUS :

Il mit tout le monde d’accord en publiant un article sur son blog « le trucapicius »
Il emprunta les fruits au premier et le fromage frais au second.
Le mélange correctement  épicé fut introduit dans la volaille qui poussa un petit cri de surprise et de plaisir.
La dite volaille fut bridée afin de ne pas rendre à César ce qu’y avait mis Apicius et le tour était joué.
« Graissée de l’intérieur »,la volaille sua de plaisir et le cuisinier armé de sa louche à long manche n’avait plus qu’à l’arroser.

QUAND L HISTORIEN CÈDE LA PAROLE EST AU CHEF.

Comme vous venez de le lire, l’arrosage régulier et une farce bien choisie sont les deux mamelles de la réussite de votre volaille.

LES FARCES :

Il faut tenir compte de deux facteurs :

– quantité.
– qualité.

La quantité dépend bien sûr de la taille de la volaille. Mais, même si vous en préparez un peu trop, elle ne sera pas perdue, car il suffit de la mettre dans un moule et de la cuire comme une vulgaire terrine. 480)c à cœur.
Un chausson en pâte feuilletée, contenant un peu de farce n’est non plus à dédaigner.

COMPOSITION GÉNÉRIQUE DES FARCES :

Une farce qui se respecte comprend un certain nombres d’ingrédients non seulement aromatiques mais qui ne sont pas là par hasard : « c’est ton destin »aurait chanté un groupe célèbre.

FARCE A BASE DE VIANDE : pour 1 kg

– 500 g de viande de la même sorte que la volaille.
Cette viande constituera la base.

– 200 g de pain mis à tremper dans le lait puis essoré entre les mains.
Ce pain allégera la farce.

– 150 g d’un élément de liaison.
– soit 2 œufs au Kg ou
– soit 150 g de foie de volaille.
Mais vous pouvez aussi utiliser des petits suisses comme élément de liaison.

Autres éléments :

– échalotes et oignons viennent  parfumer votre farce.
– sel, poivre, épices, estragon, champignons peuvent également apporter des notes de goût intéressantes.
Les pommes apportent fraîcheur, humidité et goût.

Comme vous le voyez, chaque élément possède un rôle bien définit, mais vous avez toute liberté pour composer votre farce selon vos préférences.

Le lait en poudre un produit « miracle »

Quand on réalise des farces au niveau industriel, on retrouve les mêmes exigences qu’au niveau familial.
La farce étant destinée à être cuite, elle subit donc forcement une évaporation.
C’est pourquoi les recettes des farces industrielles comprennent des produits qui «  retiennent l’eau » ou du moins la retienne le plus longtemps possible.

Or, ces produits ne se trouvent que difficilement, mais vous avez un produit qui permet de s’en passer : le lait en poudre.
Il est avide d’eau et la retiendra.
C’est pourquoi, j’ajoute dans toutes mes farces du lait en poudre à raison de 100 g/kg même dans mes tomates farcies.

La farce peut à souhait être hachée plus ou moins finement

L’important est de bien assaisonner, mais comment faire ?

Le problème qui se pose est relativement simple.
Vous goûtez une farce crue et vous mangez une farce cuite.

C’est bien là, le souci, car la perception de goût n’est pas la même.

Une petite combine du chef

Il suffit de préparer une petite casserole avec de l’eau frémissante.
Vous prélevez un peu de farce avec une cuiller et vous la faite cuire dans l’eau.
En la goûtant vous aurez une bonne idée de l’assaisonnement final.

LA CUISSON :

1. première méthode :

– préchauffez votre four votre 180°C et 200°C.
– à l’aide d’un pinceau, badigeonnez votre volaille avec un mélange beurre+huile.
– saupoudrez si vous le voulez, avec un peu de paprika doux.
– enfournez et arrosez régulièrement.
Apicius dont nous avons déjà parlé, est l’auteur d’un mélange d’épices et de miel dont il enduisait les volailles.

PHASE DE REPOS :

N’oubliez pas qu’une volaille cuite au four peut être comparée à un sportif qui vient de faire un effort.
Ses muscles sont contractés.
Quand votre volaille est cuite, il faut la tenir au chaud dans le four porte entrebâillée et protégée par du papier aluminium.
Les muscles se détendront et la chair retrouvera sont moelleux.

2. Deuxième méthode : cuire en deux fois.

Cette seconde méthode me rappelle mon enfance, une époque où l’on servait lors des repas familiaux, un potage de poule bien grasse suivie de la poule passée dans le four.

Le plaisantin de service aurait pu affirmer

«  que de cette façon on était sûr que la poule était bien morte. »

Plaisanterie ? Ou alors il faut chercher plus loin et ‘on trouve une explication dans un problème religieux qui  longtemps préoccupé

Les animaux ont-ils une âme ?
Si oui, où se trouve cette âme ?
Dans le sang, ou mieux dans leur cœur.

Telles étaient les données du problème.
Ces questions dont il incombe à chacun de trouver une réponse ont longtemps jetez l’anathème sur la consommation de la viande saignante.
A tel point que dans certains couvents, moines et nonnes tombaient malades victimes de l’anémie.
Au point d’ailleurs qu’un pape fut obligé e de se fendre d’une bulle dans laquelle il déclarait que l’on ne pouvait canoniser un religieux s’il n’avait pas mangé de la viande saignante.
Et toc !

Ce problème fut transposé au monde non religieux mais pas sa réponse et l’on prit l ‘habitude de cuire la viande :

– une première fois à l’eau
– une seconde fois dans le four.

Comment procéder ?

– la volaille est préparée comme plus haut
– farce assaisonnement ect.

Cuisson n°1

– On plonge la volaille dans de l’eau froide aromatisée d’une garniture : carottes, oignons, blanc de poireau, céleri, thym, laurier.
– gros sel.

On cuit la volaille doucement jusqu’à 70°C à cœur.
On laisse refroidir

Cuisson N°2

On profite pour dégraisser ( le gras est remonté).
On pose la volaille sur un récipient genre plaque à rôtir.
On fait dorer dans le four à 200°C tout en arrosant régulièrement

Cette opération es plus rapide vu que les chairs ont déjà été cuites.

ET NOS MARRONS ALORS ?

Rien ne vous empêche de cuire vos marrons séparément et de les servir avec des lardons et des champignons par exemple.

COMMENTAIRES DU CHEF :

Il est des jours où j’ai envie de ne pas me prendre au sérieux, d’où le style humoristique et peu historique du début de cet article.
Si cela vous déplaît, veuillez m’en excuser.

Le reste est des plus sérieux.
Combien de dindes assassinées pour Noël
Des dindes servies sèches et sans goût.
Ce qui est vrai pour les dindes l’est bien sûr également pour les chapons et autres «  bestioles »

Il existe malheureusement plein de pièges qui vous tendent les bras.
– une entrée trop copieuse
– une dinde trop sèche
– des légumes trop cuits.
et pour finir une bonne bûche à la crème au beurre.

Ajoutez un peu de mousseux tiède et vous aurez tout juste.

La composition d’un repas demande toujours un peu de doigté.

Bon appétit les ami(es).

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