Introduction philosophico gastronomique

Introduction :

(à l’étude des sauces)

Nous allons partir d’une expression courante, très significative :

«  à quelle sauce allons-nous être mangés ? ».

J’aime bien sortir des sentiers battus. Je pourrais vous proposer d’étudier les sauces via une belle classification « ex cathedra. »
Cela ferait chic et nous pourrions, à l’instar des gens bien, parler avec le petit doigt en l’air.

Mais loin de moi, ce genre-là. Je suis et reste un homme pratique, petit-fils de paysan qui m’a légué des pieds bien sur terre.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas un peu de théorie. Mais, le plus important est de bien «  sentir » son sujet.

Des sauces pourquoi ?

En voilà une question !
Essayez d’y répondre.
Attention ; ce n’est pas une question anodine et elle risque de nous mener très loin.

Au départ : il y avait la faim.

Nous mangeons tout simplement parce que le corps réclame et de l’énergie, des nutriments, de l’eau, des vitamines, et des « briques » pour réparer. Nous allons regrouper, pour faire simple, toutes ces choses sous le terme : nutriments.

Rien que l’eau :

Notre corps est composé de 70% d’eau. Et ce n’est pas un hasard, car l’eau est le liquide qui dissout le plus de produits.
Imaginons ( pour rigoler) que vous ayez un chagrin tellement grand que vous versiez toutes les larmes de votre corps. Et bien, votre niveau d’eau interne, se mettrait dangereusement à baisser. Vous vous trouveriez rapidement « à sec.»

On peut toujours rire, et c’est le parti que je choisis. Mais tout le monde comprend très bien que la nourriture est un besoin vital.
Alors, à l’époque, Madame Cro-Magnon, encourageait son mari à courir après les dinosaures. S’il rentre bredouille, sa femme aura la migraine ! Déjà !

Bon, redevenons sérieux !

La première finalité est donc de nourrir.
Les siècles qui passent ont été consacrés à l’amélioration des sources d’alimentation.
Pour ne plus dépendre des aléas de la chasse, on élève les animaux. (élevage)
Pour ne plus dépendre des aléas de la cueillette, on se met à cultiver. (agriculture)

Et pourtant, malgré tout, les famines guettent, et encore aujourd’hui, une grosse partie de l’Humanité ne mange pas à sa faim. Pire encore : on continue à mourir de faim !

Et, pour vous choquer encore plus, permettez-moi de dire ;

QUE LES SAUCES NE SONT PAS FAITES POUR CES GENS-LA !

Et pan ! Ben oui, les sauces sont avant destinées à vous flatter le palais et vous inciter à manger même si votre corps n’en a plus réellement besoin.
Dès lors, le cuisinier devient un artiste du superflu, de l’inutile !

Aïe, ça fait encore plus mal !

Pieds sur terre : je vous avais prévenus. Un chat c’est un chat, n’en déplaise.

Réconciliation :

Arrivés à ce point-là, il n’y a que deux solutions :

on arrête.
on continue.

Arrêter :

C’est prendre les armes et se mettre à lutter. Mais tout le monde n’a pas la carrure d’un Albert Schweitzer. Tout le monde n’a pas le courage, la ténacité, la volonté d’une Sœur Theresa.

Ces gens-là sortent de l’ordinaire et, même sans le vouloir, ils deviennent notre bonne conscience. Alors, pour les récompenser, les grands, les puissants leur refilent un prix Nobel qui « nous » rachète.

Continuer :

C’est prendre conscience de nos limites, de nos possibles. Continuer, c’est comme on dit dans le ch’Nord, « faire avec ». Ceci n’empêche pas des actions individuelles à notre portée.

Et la petite voix intérieure de dire

« Bon, ca va. Tais-toi et mange ! »


(Je pense que cette digression a sa raison d’être. Il faut à tout prix, rester conscients et ne pas se laisser manipuler par des extrêmes quelque soit leur bord.)

Résumons :

L’humanité essaie depuis toujours d’assumer ses besoins vitaux.

A partir du moment où ces besoins trouvent une solution, il y a un automatiquement un glissement. On ne prépare plus les aliments pour qu’ils calment la faim, on commence à forger des techniques pour satisfaire

le plaisir de manger,

pour inciter les gens à manger encore, même s’ils sont déjà rassasiés.

Les sauces servent à faire mieux passer !
Je vais encore me faire des amis !

Et pourtant :

A force de manger la même chose, l’appétit ou l’appétence diminue. Le cuisinier recherche donc à travers les techniques culinaires, à présenter un aliment sous une autre apparence, avec un autre goût.
Les sauces font partie des techniques utilisées dans ce but-là.

Terminée la philosophie.

Mettez votre toque, nous passons en cuisine.