Faudrait s’entendre

Faudrait s’entendre.

Quand je les ai rencontrés, tout à l’heure, en sortant de l’épicerie, ce sont ses yeux bleus qui m’ont fasciné. Non ! pas les yeux du petit Monsieur, mais ceux de son chien.
Un chien noir, à poil ras, avec le bout des pattes blanches, comme s’il venait de marcher dans de la crème.

Il avait l’air un peu triste. Non ! pas le chien, mais le petit Monsieur. Triste, et le regard abattu, comme ceux à qui la Vie a joué un méchant tour.

Quand je lui ai adressé la parole, non, pas au petit Monsieur, mais au chien, il s’est laissé caresser et j’ai aperçu, dans ses yeux, non, pas ceux du chien, mais ceux du petit Monsieur, comme un éclat de bonheur. Et, comme je continuais à lui parler d’une voix douce, non pas au petit Monsieur, mais au chien, son visage s’éclaira, comme si un rayon de soleil était venu se poser sur lui. Non ! pas sur le visage du chien, mais celui du petit Monsieur.

Dites donc, si vous faites express, on ne pourra jamais s’entendre !

Donc, je parlais au Monsieur, tout en caressant le chien. L’un, le chien bien sûr, se frotta contre ma jambe. L’autre, le Monsieur, je le précise, portait un vieux manteau en gabardine et des chaussures maintes fois réparées, se redressa, je dirais presque fièrement.

Quelqu’un venait de lui parler, lui qui d’habitude, passait inaperçu. Et ce fut un véritable déluge de paroles. J’appris qu’autrefois, il avait possédé un chien berger allemand et qu’il avait du s’en séparer et que maintenant, on lui avait confié ce petit chien dont personne ne voulait. Un flot de paroles rapides comme si elles attendaient depuis y trop longtemps pour fleurir sur les lèvres.
Alors, il a parlé, beaucoup parlé et j’ai écouté, écouté avec le cœur..

Ils partirent, je dirais presque bras-dessus, bras-dessous. Et j’ai ressenti le sentiment étrange d’avoir fait le bien.

Non, pas au petit Monsieur avec son chien, mais à moi.

Allez savoir !

Et puis dites-moi, pourquoi toujours chercher à comprendre ?

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