ANECDOTE DES GRATTE CUL et du POILS A GRATTER

Chaque région possède ses fêtes, ses traditions, ses croyances, ses histoires.
Chez nous en Alsace, il est de tradition du vivre près de la nature et de cueillir tous ce qu’elle offre au fil des saisons.

Cela commence très tôt dans l’année, quand apparaissent au mois de mars, les premières morilles. Elles sont relativement petites et il en faut beaucoup pour remplir un panier. Surtout n’allez pas les mettre dans un sachet nylon !
Les morilles du mois de mai sont beaucoup plus grandes. J’en ai trouvées de plus de 30 cm de haut. Alors, il faut se mettre à genoux et balayer du regard le sol devant vous pour les dénicher.

Dès de mois de juin, apparaissent les premières fraises des bois. Je vous raconterai une anecdote à leur sujet.

Selon les années, car tout n’est finalement qu’une question de météorologie, juillet sonne le début de la cueillette des myrtilles, du moins sur les versants bien exposés.
Je connais, dans la vallée d’Orbey, une montagne dont on peut faire le tour à 360 degrés.
Elle offre des myrtilles du début juillet à mi septembre.
Il suffit de choisir le versant adéquat.

Il y a 50 ans, les jeunes filles en âge de se marier allaient cueillir des paniers pleins de myrtilles qu’elles revendaient afin de pouvoir se constituer un beau trousseau.

Août est le mois des grosses chaleurs. Je devrais dire était, car maintenant, la météo déraille. Grand-père disait à qui voulait l’entendre que c’est la faute à la bombe atomique.

En août, si vous avez de la chance, vous tomberez peut-être sur un pommier sauvage.
Ses pommes ne se mangent pas, mais en lui cuisant longuement, elles vous donneront une gelée couleur rose, d’un goût : je ne vous dit pas ! Excellent.

Il y a aussi les framboises sauvages qui se feront un plaisir de se transformer en glaces, sorbets ou qui viendront décorer vos flans et puddings.

En septembre, les myrtilles deviennent plus rares, mais plus sucrées aussi. Elles ont pompé beaucoup de soleil, ces myrtilles là. Et comme la nature à horreur du vide,  voilà qu’apparaissent les premières airelles, bien rouges.
Airelles et gibier : un mariage réussi. Ne les ratez pas, vous le regretteriez lors de vos repas d’automne.

Et puis l’automne, c’est aussi la saison des champignons.
Attention, je vous prie. N’allez pas manger n’importe quoi sous prétexte qu’un champignon est bon quand une limace le mange !

Les limaces ont un estomac et vous avez le vôtre. Rien à voir.
Alors soyez prudents. Il existe des sociétés mycologiques qui se font un plaisir de vous renseigner et de vous enseigner.
Vous avez bien noté j’espère : renseigner et enseigner.
Mourir pour un  « R », ce serait vraiment bête.

N’oubliez pas de cueillir les mûres sur les haies qui bordent les champs. La gelée de mûres est un régal.

Glaner les noix bien sûr.
Ramasser les pommes et les poires qui commencent à tomber dans l’herbe.
On ne sait plus où donner de la tête, tellement qu’il y a de choses à faire.

Nous voici donc en automne, c’est la saison des promesses tenues, l’aboutissement de toute une année.
Lentement la nature va entrer en sommeil, un sommeil réparateur. Elle va refaire des forces pour recommencer de plus belle, l’année prochaine.
C’est ça le miracle de la vie.

Moi, l’automne ne me rend pas triste et chaque année mes appareils photos ont for à faire pour capter les feux d’artifice des arbres aux mille couleurs.
Je suis content, que dis-je presque honoré de voir les feuilles qui se font belles une dernière fois.

Mais attendez, voici mon anecdote.

Regardez là-bas, une famille de la ville qui s’arrête devant un buisson.
Il faut que nous allions voir cela de plus près.

Ils se sont arrêtés devant un rosier sauvage, que l’on appelle églantier ou cynorhodon.
Je vous avais averti, dès le début, les Alsaciens cueillent tout ce que la nature leur offre.
J’entends des « aies » des ouïes » car l’églantier se défend.
Rendez-vous compte, il a produit des roses et ces roses ont été fécondées par les abeilles et les bourdons en quête de nectar.
Ensuite, le pistil s’est mis à grossir et grossir, jusqu’à former, un fruit oblong d’abord de couleur orange puis de plus en plus rouge.
C’est ce fruit que les anciens faisaient cuire pour en tirer la confiture d’églantine : un véritable délice.

Attiré par le bruit, voici Maurice, le paysan du coin, qui arrive l’air nonchalant.
– Bonjour Madame, bonjour Monsieur, vous cueillez des « gratte-cul » ?
– Bonjour Monsieur, nous cueillons des églantines
– en patois, on appelle cela des « gratte-cul ». Qu’allez vous en faire ?
– de la confiture.
– vous savez en faire ?
– cela ne doit pas être difficile vu que les anciens en faisaient déjà.
– alors bonne cueillette et bonne confiture. Bonne soirée. »

Et le Maurice reprit son chemin, mais il avait du mal à cacher un sourire.
On dit souvent : « un sourire qui en dit long »
Vous allez savoir pourquoi.

Les citadins rentrèrent donc chez eux, emportant leur précieuse cargaison.
Ils se réunirent autour de la table afin de préparer la fameuse confiture d’églantines.
Approchons discrètement pour les observer.

Ils versèrent donc les églantines sur la table pour les trier et ne garder que celles qui avaient belle allure.
Puis ils virent que chaque fruit avait une petite queue et à l’opposé le reste de la fleur.
Maman dit :
“je suis d’avis de supprimer ces deux choses-là.”
Ce qui fut fait après une bonne heure de labeur.

Papa coupa un fruit en deux, histoire de voir ce qu’il y avait en dedans.
Il fut surpris de voir quelques graines, mais il y avait aussi des poils, plein de poils.
Maman jeta les bras au ciel (enfin je veux dire vers le plafond) en s’écriant :
« Nous n’allons quand même pas manger des poils ! Il faut les enlever. »

Et c’est là, que commença l’acte humoristique.
Au début tout se passa bien.
Muni d’un couteau, chacun coupa les églantines en deux et d’un doigt agile, il enleva les petits poils.
De temps en temps, il essuyait la sueur qui s’accumulait sur son front car, on  beau être en automne, le soleil avait encore des rayons bien puissants.

Essuyer son front est une geste anodin, du moins en apparence, mais les doigts étaient plein de petits poils et ces petits poils se mirent au travail.
Quel est le travail d’un petit poil ?
Ah bon, vous ne le savez pas ?

Et bien un poil, c’est fait pour gratter.
Mais alors gratter !
Et plus on frotte plus il gratte.

En moins d’un quart d’heure, la famille ressembla à une famille de singe qui se font les puces les uns aux autres.
Jeter les églantines : il n’en était pas question, après tout ce travail !

Toujours est-il, que maman et papa finirent le travail, pendant que les enfants s’étaient enfuis pour prendre une douche salvatrice.

Toujours est-il, que maman réussit à préparer cinq verres de confiture d’églantines qui valaient, croyez-moi, leur pesant en or, ou leur pesant en poils, si vous avez le cœur à rire de ces pauvres gens.

Toujours est-il, que papa décida de retourner pour parler avec le monsieur, vous savez bien, Maurice au sourire.
D’ailleurs Maurice s’en doutait, quand il les vit arriver.

«  Bonjour Madame, bonjour Monsieur, alors cette confiture ?
– M’en parlez pas, lança maman, un truc à devenir fou.
– et pourquoi ?
– bien à cause des poils bien sûr.
– ah bon, à cause des poils, mais que vous ont-il fait ces poils ?
– à se gratter jusqu’au sang.”

Et le Maurice éclata d’un grand rire.

«  Eh Germaine vient voir ! »
Germaine arriva, petite femme aussi large que haute, mais avec le sourire.
« – Germaine va chercher la passoire à confiture. »

Quelques minutes plus tard, Germaine apporta une passoire tout en grillage très serré.
Mais, si vous regardez bien, vous verrez que cette passoire comporte une raclette, comme toute les passoires, mais qu’en plus il y a une boule en bois.

Et Germaine d’expliquer que les poils que l’on enlève bien sûr pas, viennent se coller contre cette boule diabolique et ne passent pas dans la confiture.

Maman se fit expliquer par le détail, deux fois la recette de la confiture d’églantines que Germaine se fit un plaisir de lui expliquer.

Quand les citadins prirent congé, Maurice sortit sa pipe.
Et pendant que Germaine répondait aux signes de la main des partants, Maurice alluma sa pipe, l’air content de lui.
Il avait, comme qui dirait, sa tête de philosophe.

« Ah ces citadins qui croient tout savoir, et qui pensent que les gens des campagnes sont derrière la lune.
Cela leur servira de leçon. »

Un buisson d’églantine aussi appelées cynorhodons. La fleur sa teinte varie d’un buisson à l’autre Le fruit d’abord orange puis rougeLes graines avec les poils à gratter Méfiez vous Une belle églantine

La fameuse passoire à gelée avec sa boule en bois.
En vente chez Mathon.

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