Pot-au-feu : article N°5

Nous avons consacré 4 articles à la préparation d’un pot-au-feu et du bœuf gros sel accompagné de ses légumes.
Les recettes de pot-au-feu sont légion. Il suffit se feuilleter n’importe quel livre de cuisine.
Toute cette littérature est essentiellement tournée vers la transmission des coups de main, trucs et astuces pour réussir un pot-au-feu de telle ou telle façon.

Il me semble inutile d’ajouter des propos qui vont dans le même sens.

NON ! J’ai choisi d’utiliser la recette du pot-au-feu, comme tremplin, comme point de départ.
Un tremplin sert à démultiplier la force pour sauter plus haut.
Et bien , notre tremplin devrait nous servir à approfondir d’avantage nos connaissances.
Approfondir : creuser le sujet, aller jusqu’à la racine .

COMPRENDRE LE POURQUOI.

C’est le choix que j’ai fait, quand après avoir enseigné pendant presque 20 ans, j’ai changé de spécialité.

Le jour de mon entretien psychopédagogique, j’ai vu sursauter le jury quand j’ai affirmé :

«  Il y a plus de vérité dans la cuisson d’une escalope que dans la dictée de Mérimée ! »

La phrase a été citée dans bien des réunions.
Enseigner est non seulement une passion, mais comme le disent les Inconnus

  « C’est ton destin ! »

Et ce destin m’a joué bien souvent des tours.
J’ai du renoncer à bien des « possibles », refuser bien de propositions alléchantes, tout juste parce qu’au fond, je me sentais bien dans mes cuisines avec mes gamins.
Ces gamins-là n’avaient pas réussi à passer par le crible : mathématiques, orthographe etc.…

Car en France

– on ne juge pas d’après les dons que l’on possède,
– on juge par rapport à ce que l’on ne sait pas.

Combien de prises de bec dans les conseils de classe, quand le prof d’anglais prétendait tout haut :
« cet élève-là n’a pas les capacités. »

«  Sir » je vous invite à venir manger au restaurant et nous dégusterons justement les plats préparés par l’incapable de service. Et en dessert, nous reparlerons des capacités « utiles » aux cuisiniers.

Oui, je suis fier de mon « Sébastien » qui a fini dans la brigade de l’Elysée et je n’ai toujours pas (40 ans plus tard) digéré le coup de fusil du gamin qui s’est suicidé parce qu’on l’avait jugé incapable.

C’est également cela la vie d’un prof, et je suis fier de l’avoir été, même si en Suisse, j’aurais pu tripler mon salaire.
C’est juste une question de choix, une question totalement personnelle qui ne se discute pas.

Je ne suis certainement pas un prof comme les autres et cela est loin de me déplaire que de sortir de l’ordinaire. Prof de cuisine et prof de photographie dans une école supérieure de journalisme, cela est possible vu que je l’ai été simultanément pendant presque 20 ans.
Il faut tout juste une tournure d’esprit un peu particulière. Les deux métiers peuvent cohabiter parce qu’ils ont le même but :
 
permettre à l’Autre de faire un pas vers lui-même.

Une façon de voir la vie, j’aime le mot allemand « Weltanschauung »
Eh oui excusez-moi, j’avais oublié de vous dire que je suis bilingue de naissance.

L’essentiel est de trouver les mots qui conviennent
L’essentiel est de savoir éveiller l’intérêt, la curiosité
L’essentiel est surtout de ne pas se croire arrivé.
On n’arrive jamais nulle part.
On continue à douter.
La seule chose certaine et définitive vous prend la vie.

Alors, moi, j’ai mes petits trucs à moi.
J’essaie de faire comprendre le pourquoi.
Je ne montre comment faire qu’une fois compris le pourquoi faire.
Je ne fournis pas de réponse.
Je pose des questions.
Je prends par la main et j’essais de conduire d’aiguiller sur le chemin de la réponse.

Je suis acteur et spectateur en même temps.
Je cherche et j’essaie de trouver
Et surtout, je conduis à faire l’expérience par la matière.

 

Allez, je peux vous l’affirmer : ça existe les prof heureux !

 

 

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